Les vergers de Bisseuil : une enquête avec le cadastre

Dans cet article, nous allons voir comment le cadastre peut permettre de vérifier l’existence d’une vieille tradition locale.

Dans le village marnais de Bisseuil, où vivaient certains de mes ancêtres, il existait une belle tradition concernant la plantation de vergers. J’ai découvert cette tradition dans les Bulletins du Comité du Folklore champenois, mis en ligne sur Gallica.

D’après cette tradition, un garçon ne pouvait se marier qu’après avoir planté, de ses mains, 25 arbres fruitiers dans les vergers de la commune.

Une fois ces 25 arbres plantés, le jeune homme devait alors conduire sa promise au cœur de son verger pour lui montrer le fruit de son travail, et lui signifier son intention de l’épouser.

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La découverte de cette tradition m’a intéressée à plus d’un titre : par son aspect poétique déjà, mais aussi par ses aspects concrets.

En effet, si tous les hommes d’un village ont planté 25 arbres fruitiers pendant quelques décennies ou quelques siècles, on devrait en retrouver la trace dans le cadastre et dans le paysage. Pour juste 100 hommes, cela ferait déjà 2500 arbres… ce qui n’est pas rien.

D’après l’article du Comité du folklore champenois, il n’existait sur le territoire de Bisseuil que deux zones propres à la culture des vergers, toutes deux situées dans les boucles de la Marne : le Plitre et Bussin.

Le Plitre et Bussin à Bisseuil (source : Géoportail, IGN)

Le Plitre et Bussin à Bisseuil (source : Géoportail, IGN)

Tous les jeunes hommes devaient donc disposer d’une parcelle dans une de ces deux zones.

Et effectivement, quand on consulte le cadastre napoléonien, on constate que la zone du Plitre contient beaucoup de petites parcelles. Sachant que la plupart ont une superficie inférieure à 50 m², les arbres fruitiers devraient être plantés de façon très serrée.

Le Plitre sur le cadastre napoléonien de Bisseuil (source : AD51 - cote 3 P 766/15)

Le Plitre sur le cadastre napoléonien de Bisseuil (source : AD51 – cote 3 P 766/15)

A vrai dire, de nos jours encore, les parcelles dans la zone du Plitre, restent très nombreuses et petites, même s’il y a eu un certain nombre de regroupements.

Par ailleurs, la comparaison du cadastre actuel avec les photographies aériennes montrent que toutes ces parcelles sont remplies d’arbres, ce qui semble confirmer la légende.

Vue aérienne et parcelles cadastrales de Bisseuil (source : Géoportail, IGN)

Vue aérienne et parcelles cadastrales de Bisseuil (source : Géoportail, IGN)

Bien sûr, pour confirmer la légende, il faudrait se rendre sur place pour voir si ce sont des arbres fruitiers et si ce sont bien là les vestiges des vergers.

Et c’est pourquoi à l’occasion d’un déplacement, je me suis rendue dans le petit village de Bisseuil. J’ai emprunté un chemin au milieu des anciennes parcelles de vergers, et voici ce que j’ai vu :

Photographie des anciens vergers de Bisseuil (Marne)

Photographie des anciens vergers de Bisseuil (Marne)

Comme le montre la photo, la végétation est très dense, et les parcelles sont difficilement accessibles. Par ailleurs, la grande majorité des arbres qui couvrent ces parcelles ne sont pas des arbres fruitiers.

Il semble donc que ces petites parcelles de vergers n’ont pas été entretenues et avec le temps, la nature aura finalement repris ses droits.

Voici ce qui conclut cette recherche sur la tradition des vergers de Bisseuil.

A bientôt,

Elise Lenoble

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