Le storytelling en généalogie, un nouveau concept ?
Depuis la dernière édition du salon américain de généalogie RootsTech, nous avons beaucoup entendu parler de storytelling. Cette tendance a alimenté de nombreuses discussions sur les réseaux sociaux et lors des Matins Malins organisés à Paris par la Revue Française de Généalogie. A chaque fois, une même question revient : faire du storytelling, est-ce faire de la généalogie ?
A diverses reprises, lors des comptes-rendus du salon RootsTech, le terme storytelling a été employé pour désigner le fait de raconter son histoire personnelle, principalement à l’aide des blogs et des réseaux sociaux. Cependant, il semble que ce terme a une signification plus large (voir les commentaires sur le blog de Céline suite au compte-rendu des Matins Malins). C’est ce qui m’a amenée à me demander quel est le sens précis du terme storytelling en généalogie.
Qu’est-ce que le storytelling ?
J’ai été particulièrement surprise la première fois que j’ai entendu le terme storytelling employé à propos de généalogie. J’avais en effet déjà entendu parler de storytelling pour désigner une technique de communication principalement utilisée dans le marketing et en politique. Cette technique, qui consiste à raconter une histoire à l’auditeur afin de lui faire passer un message (au lieu de se baser sur des arguments rationnels), fait d’ailleurs l’objet de l’article « Storytelling » sur Wikipédia. Mais cette technique n’a pas grand-chose à voir avec la généalogie.
Afin d’en savoir plus sur le storytelling en généalogie, j’ai donc fait des recherches sur internet, et regardé des conférences du salon RootsTech qui abordaient ce point. Au fil de mes recherches, j’ai découvert de nombreux sites et blogs américains évoquant le storytelling en généalogie.
En consultant ces sites, j’ai fait le constat suivant : le terme de storytelling est un véritable fourre-tout. Il est principalement utilisé pour désigner le fait de raconter l’histoire de ses ancêtres, plutôt que de se limiter simplement aux noms et aux dates. Par ailleurs, il désigne également le fait de raconter sa propre vie et ses souvenirs de famille à travers différents médias (souvent via les blogs et les réseaux sociaux).
Ainsi, le storytelling qui peut se traduire en français par « raconter une histoire » ne serait rien d’autre que cela : raconter une histoire, que ce soit sa propre histoire ou celle de ses ancêtres, et ce quelle qu’en soit la manière.
Faut-il conserver l’anglicisme storytelling ?
Les anglicismes sont généralement adoptés dans la langue française lorsqu’il n’existe pas de traduction du terme ou lorsqu’ils apportent une connotation nouvelle par rapport au terme existant en français. Par exemple, le terme start-up suggère une entreprise émergente et dynamique dans le domaine des nouvelles technologies.
Dès lors, nous pouvons nous demander s’il est pertinent de conserver l’anglicisme storytelling pour évoquer cette tendance. En effet, le terme storytelling seul ne veut pas dire plus que « raconter une histoire ». Son usage impliquerait donc de détailler à chaque fois l’aspect du storytelling auquel on fait référence. Nous pouvons donc lui préférer les termes français suivants :
- Raconter l’histoire de ses ancêtres : cela peut prendre différentes formes : de l’écriture objective basée sur des faits avérés, à une écriture plus romancée où l’on se met à la place de ses ancêtres en essayant d’imaginer leur vie.
- Raconter son histoire personnelle : cette démarche souligne une volonté de transmettre à ses descendants une histoire et pas simplement quelques souvenirs de famille.
- Raconter sa vie sur les réseaux sociaux : une pratique mise en avant à RootsTech, qui revient, à mon sens, à étaler sa vie privée sur des supports qui ne nous garantissent aucune conservation (sur le long terme) pour nos descendants.
Raconter son histoire personnelle, est-ce encore de la généalogie ?
Le storytelling au sens de « raconter l’histoire de ses ancêtres » a bien sûr toute sa place dans un salon de généalogie. En effet, nous avons accès à de plus en plus de ressources pour découvrir la vie de nos ancêtres (par exemple, la presse ancienne numérisée). Par ailleurs, nous pouvons raconter l’histoire de nos ancêtres et la partager plus facilement grâce aux nouvelles technologies.
Toutefois, la dernière édition du RootsTech a mis l’accent sur le storytelling au sens de « raconter son histoire personnelle » : sur les trois jours de conférences, tous les discours d’ouverture évoquaient ce sujet et incitaient les généalogistes à raconter leur histoire personnelle, en particulier via des blogs et des sites dédiés.
Raconter son histoire personnelle n’est d’ailleurs pas une tendance typiquement américaine : lors de la dernière édition des « Généalogiques » à Paris, une conférence abordait précisément ce point (sans l’aspect nouvelles technologies).
Se pose alors la question suivante : raconter son histoire personnelle, est-ce encore faire de la généalogie ?
La généalogie est généralement décrite comme une pratique dont l’objet est la recherche de ses ancêtres. En ce sens, raconter son histoire personnelle n’est plus de la généalogie. Cependant, c’est un travail que de nombreux généalogistes peuvent être amenés à faire car il correspond au désir de transmission, à l’envie de donner à ceux qui nous succéderont.
Ainsi, ce travail n’est peut-être pas de la généalogie, mais il enrichira les recherches généalogiques des générations futures, en apportant les informations que nous aurions aimé trouver sur les générations passées.
Elise