Réponse à l’énigme de la Revue Française de Généalogie : la preuve par deux ?

Dans le numéro 214 de la Revue Française de Généalogie est parue la réponse à une énigme posée dans le numéro précédent. Il s’agissait de prouver l’identité des grands-parents paternels d’un individu donné, en passant par trois actes. La réponse à cette énigme, rédigée par Jean-Louis Beaucarnot, est donc justement intitulée « La preuve par trois ! ».

Or, cet été, j’avais cherché à résoudre cette énigme et je pensais avoir trouvé la preuve, en deux actes… Cette réponse n’ayant pas été validée, je m’interroge sur la validité de mon raisonnement et j’aimerais vous le soumettre afin d’avoir un avis extérieur. D’autre part, cette interrogation tombe à point nommé pour moi au sein d’une interrogation plus vaste sur la notion de preuve en généalogie.

Dans cette énigme de la Revue Française de Généalogie, il s’agissait de prouver que les grands-parents paternels de Julien de Chérencey (qui s’était marié en 1741 à Saint-Senier-de-Beuvron) étaient bien Nicolas de Chérencey et Françoise Planté.

Enigme RFGPoint de départ de l’énigme : Julien de Chérencey x Jeanne Hamel, le 3 octobre 1741 à Saint-Senier-de-Beuvron (50)

Le point de départ de cette recherche était donc naturellement l’acte de mariage de Julien de Chérencey avec Jeanne Hamel, le 3 octobre 1741, à Saint-Senier-de-Beuvron (cet acte ne comptait pas parmi les trois actes à trouver pour l’énigme).

Mariage Saint Senier de Beuvron 1741

Mariage de Jullien de Chérencey avec Jeanne Hamel, le 3 octobre 1741 à Saint Senier de Beuvron (source : AD de la Manche, cote : 5 Mi 1434)

Cet acte nous donne plusieurs informations intéressantes sur Julien de Chérencey :

  • ses parents sont Louis de Chérencey et Anne Dupont (qui est décédée) ;
  • il est originaire de Virey (50) ;
  • il réside à ce moment-là dans la paroisse de Notre-Dame-des-Champs (qui est une paroisse de la ville d’Avranches).

Suivant ces éléments, la suite logique serait d’aller consulter les registres paroissiaux de Virey à la recherche du mariage des parents de Julien. Or, l’énoncé de l’énigme nous apprenait que cet acte de mariage n’était pas trouvable à Virey.

Dans la mesure où les registres paroissiaux de Notre-Dame-des-Champs proposent une table alphabétique des actes de 1599 à 1791, autant chercher de ce côté si l’on retrouve des membres de la famille de Julien de Chérencey. Ces tables font effectivement état d’un mariage en 1755 entre un certain Louis de Chérencey et Louise Abraham.

1er acte de mariage : Louis de Chérencey x Louise Abraham, le 29 octobre 1755 à Notre-Dame-des-Champs (50)

En trouvant cet acte dans les tables, j’espérais qu’il puisse s’agir d’un remariage tardif du père de Julien de Chérencey. Il n’en est rien, mais cet acte s’est néanmoins avéré décisif dans la recherche. En effet, l’époux est le fils de Louis de Chérencey et de Jeanne Lainé, et, comme Julien, il est originaire de la paroisse de Virey. Il y a donc de bonnes chances pour qu’il soit bien de la famille de Julien de Chérencey.

Mais le plus intéressant, c’est qu’en consultant les témoins de ce mariage, on retrouve un Julien de Chérencey, « frère dudit époux », et une Jeanne Hamel, « sœur en loy » de l’époux (soit sa belle-sœur par alliance). Les probabilités sont grandes pour qu’il s’agisse bien du couple de base de l’énigme, et un simple coup d’œil aux signatures permet de s’en assurer.

SignaturesAinsi, Louis de Chérencey est le frère de Julien, ou plus vraisemblablement son demi-frère puisque les noms de leurs mères respectives sont différents. Ils ont donc le même père : Louis de Chérencey, celui-là même dont on cherche à prouver l’identité des parents.

Etape 2Etant donné que l’acte de mariage de Louis de Chérencey avec la mère de Julien, Anne Dupont, n’était pas trouvable à Virey, autant chercher son deuxième mariage, avec Jeanne Lainé.

2ème acte de mariage : Louis de Chérencey x Jeanne Lainé, le 5 mars 1715 à Virey (50)

L’acte de mariage du père de Julien avec Jeanne Lainé se trouve aisément à Virey, en 1715, et par chance, il est filiatif ! Cet acte nous confirme ainsi que Louis de Chérencey, père, est bien le fils de Nicolas de Chérencey et de Françoise Planté.

Mariage Virey 1715

Mariage de Louis de Chérencey avec Jeanne Lainé, le 5 mars 1715 à Virey (source : AD de la Manche, cote : 5 Mi 2099)

Cet acte ne mentionne pas qu’il est veuf d’Anne Dupont, mais cette information n’est pas nécessaire puisque l’on a déjà trouvé le lien de fraternité entre Julien de Chérencey et Louis de Chérencey (fils).

Etape finaleIl me semble donc que ces deux actes de mariage suffisent à prouver que les grands-parents de Julien étaient bien Nicolas de Chérencey et Françoise Planté. En effet, si on récapitule :

  • L’acte n°1 prouve que Julien de Chérencey a un demi-frère issu du mariage de son père Louis de Chérencey avec Jeanne Lainé (donc que le Louis de Chérencey qui s’est marié avec Jeanne Lainé est bien le même que celui qui a eu un enfant avec Anne Dupont) ;
  • L’acte n°2 prouve que les parents du père de Julien sont Nicolas de Chérencey et Françoise Planté.

Qu’en pensez vous ?

La démonstration de Jean-Louis Beaucarnot

Dans son article du n°214 de la Revue Française de Généalogie, Jean-Louis Beaucarnot montre qu’il a suivi un chemin différent. En résumé, son raisonnement est le suivant :

  • Acte n°1 : Il trouve à Virey l’acte de mariage de Louis de Chérencey (fils de Nicolas et de François Planté) avec Jeanne Lainé et il veut prouver que ce Louis de Chérencey est bien le père de Julien ;
  • Acte n°2 : Il trouve, grâce à Généanet, l’acte de mariage d’un des fils du couple précédent, qui s’est marié à Mesnil-Thébault en 1751. Sur cet acte de mariage, l’un des témoins est Julien de Chérencey, frère de l’époux et cuisinier à Avranches. Il cherche donc à prouver qu’il n’y a à Avranches qu’un seul Julien de Chérencey qui est cuisinier, en prouvant que le Julien de Chérencey à l’origine de l’énigme était bien cuisinier ;
  • Acte n°3 : Il retrouve dans la paroisse Saint Gervais d’Avranches, l’acte de remariage de Julien de Chérencey, qui indique qu’il est effectivement cuisinier.

Ce raisonnement amène effectivement au résultat escompté, mais, je m’interroge sur un détail : quand bien même on a prouvé que « notre » Julien de Chérencey était effectivement cuisinier, cela nous garantit-il qu’il était le seul Julien de Chérencey à être cuisinier à Avranches, et donc qu’il s’agit bien du Julien de Chérencey cité dans l’acte n°2 ?

Dans ce cas précis, les probabilités jouent en notre faveur : le nom et la profession recherchés sont suffisamment peu courants pour que l’on puisse admettre que la probabilité d’avoir deux Julien de Chérencey exerçant la profession de cuisinier dans la même ville et à la même époque est très faible. Mais, cette probabilité n’est pas nulle. Finalement, il ne serait pas impossible que Julien de Chérencey ait un cousin qui porte le même nom que lui et qui exerce le même métier (ce ne serait pas étonnant car on rencontre fréquemment des professions familiales). D’autre part, même si ce raisonnement peut être accepté dans ce cas, il ne pourrait en aucun cas être appliqué avec un nom ou un métier un peu plus courant.

Le fait que Julien soit cuisinier constitue donc un indice très intéressant, mais pas une preuve formelle. Cela dit, il est vrai, qu’en généalogie, il faut souvent se contenter d’une concordance d’indices, faute de preuve formelle.

Ce que je trouve intéressant, c’est de me rendre compte que l’acte de mariage que je considère comme une preuve (mon acte n°2), est cité dans l’article de Jean-Louis Beaucarnot comme un simple indice. Et dans le même temps, le métier de Julien qui pour lui est une preuve, n’est pour moi qu’un indice.

Voilà de quoi se plonger dans une longue et passionnante réflexion sur la notion de preuve en généalogie. Cela fera certainement l’objet d’un futur article !

Elise

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