Retrouver comment parlaient nos ancêtres

Depuis que je fais de la généalogie, je rêve de découvrir comment parlaient mes ancêtres : à quoi ressemblaient leurs accents, quelles étaient leurs expressions, etc. Mais il est souvent difficile de retrouver un aperçu authentique du patois parlé il y a 200 ans.

On trouve certes de nombreux livres sur les patois et dialectes régionaux, mais les régions abordées sont souvent vastes et il est difficile de savoir si les expressions évoquées sont celles d’il y a 50, 100 ou 200 ans.Carte des langues, dialectes et patois de FranceA l’occasion d’une visite aux Archives Départementales de la Seine-Maritime, j’ai découvert des documents (dans la sous-série 6M) qui me permettent d’en savoir plus sur la façon dont s’exprimaient mes ancêtres : leur prononciation, leurs expressions courantes, une partie du vocabulaire local, etc.

Il s’agit des résultats d’une enquête nationale sur les dialectes et patois de France lancée vers 1812. Cette enquête est une étude comparative des différents patois et dialectes parlés dans toutes les régions de France. Le Ministre de l’Intérieur de l’époque a donc envoyé une circulaire à tous les préfets de France, leur demandant des renseignements sur les patois parlés dans leur département. Il leur demandait en particulier de fournir une liste du vocabulaire et des expressions courantes, ainsi qu’une transcription, en patois, de la Parabole de l’Enfant prodigue (issue de l’Evangile). Chaque préfet a ainsi fait suivre ces directives à chacun de ses sous-préfets afin d’obtenir des renseignements au plus proche du peuple.

Enquête sur les dialectes - Lettre du Ministre de l'Intérieur

Enquête sur les dialectes – Lettre du Ministre de l’Intérieur (source : AD76 – 6M1184)

Je ne sais pas si cela a été le cas pour tous les départements, mais l’enquête a été prise avec beaucoup de sérieux en Seine-Maritime, notamment dans le Pays de Caux d’où venaient mes ancêtres, et les documents produits permettent une bonne appréhension de ce à quoi pouvait ressembler la langue de mes ancêtres.

C’est au sous-préfet du Havre que l’on doit le plus gros travail de recherche sur le patois du Pays de Caux. Dans son « Essai sur le Patois Cauchois tel qu’il est usité », il décrit en effet toutes les particularités de prononciation et d’expression des habitants du Pays de Caux. Il souligne toutefois que « l’idiome ou patois cauchois n’est rien autre chose qu’un français défiguré mais toujours très reconnaissable ». Il note également une certaine évolution de la langue au cours des 25 années précédentes, d’où une façon de s’exprimer différente selon les générations. Selon lui, les plus âgés parlent « un patois mal ébauché et souvent inintelligible pour les étrangers », tandis que les jeunes parlent « avec plus de prétention » dans une langue moins hétérogène. Ceci est dû, selon lui, aux changements apportés par la Révolution : la nécessité de lire les lois et arrêtés, la création des fonctions municipales et la conscription militaire.

Observations particulières sur l'accent cauchois (source : AD 76 - 6M1184)

Observations particulières sur l’accent cauchois (source : AD 76 – 6M1184)

Le plus intéressant dans cet essai a été de retrouver une grande liste de vocabulaire et d’expressions usuelles, ainsi que des observations sur l’accent, la prononciation des différentes lettres et sur l’usage des pronoms et des verbes. De quoi pouvoir vraiment imaginer comment parlaient mes ancêtres cauchois.

J’ai ainsi découvert :

  • que l’accent cauchois est lent et trainant et qu’ils appuient longuement sur les diphtongues et les lettres doublées, en prononçant par exemple « anneille » au lieu de « année »  ;
  • que les cauchois ne prononçaient que rarement les R, en les remplaçant en milieu de mot par des H aspirés ;
  • que le CH se prononçait généralement K : ainsi mes ancêtres parlaient de « cat » et de « quien », au lieu de « chat » et de « chien » ;
  • que le S se prononçait CH dans de nombreux cas, comme dans « agacer » qui se disait « agacher » ;
  • que les mots se finissant en « ure » voyaient leurs terminaison transformée en « euse », ainsi « blessure » se disait « blecheuse » ;
  • et de même, les terminaisons en « oir » et en « eur » étaient transformées en « eux », ainsi « mouchoir » se disait « moucheux » et « menteur » se disait « menteux ».

Ces particularités de prononciations ne se sont que quelques unes parmi toutes celles citées dans ce document.

Vocabulaire du patois cauchois (source : AD76 - 6M1184)

Vocabulaire du patois cauchois (source : AD76 – 6M1184)

J’aime à penser que l’un de mes ancêtres siamoisiers aurait dit qu’il était « chamoisié » (au lieu de siamoisier), que « l’vin l’y monte à la hune » quand il commençait à s’enivrer et qu’un habitant de Paris « n’entend ni a dia ni a hiche » lorsqu’il lui parle (donc qu’il ne comprend rien).

Elise

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