Retracer l’histoire d’une maison grâce au cadastre

Il y a quelques années, j’ai quitté la Seine-Maritime pour m’installer dans la Marne, et j’ai trouvé un logement dans une maison d’un petit village nommé Montmort-Lucy :

Maison à Montmort-Lucy

La maison dans laquelle j’ai habité durant 3 ans

La maison était située tout près du château du village et on m’avait dit qu’il s’agissait d’anciennes dépendances du château.

Le château de Montmort-Lucy

Le château de Montmort-Lucy à gauche, et ma maison à droite

J’ai de nombreux souvenirs de cette maison et des années que j’ai passées dans ce village de la Marne. C’est également depuis cette maison que je me suis lancée comme généalogiste professionnelle.

C’est pourquoi j’ai souhaité retracer son histoire, et pour cela, j’ai utilisé le cadastre napoléonien.

La situation de la maison à la fin du 18ème siècle

Tout d’abord, j’ai pu retrouver la maison sur des plans du XVIIIème siècle, mis en ligne par les Archives Départementales de la Marne.

Sur ces plans, on constate que la maison actuelle avait effectivement fait partie d’anciennes granges qui appartenaient alors au propriétaire du château (M. de Montmort).

Celui-ci possédait à cet endroit plusieurs bâtiments qui formaient la basse-cour du château :

Comparaison de la maison actuelle avec un plan de 1797

Comparaison de la maison actuelle avec un plan de 1797 (source : Archives Départementales de la Marne)

On constate aussi que la maison actuelle (en forme de U autour d’une cour) ne correspond pas tout à fait à la grange de l’époque, qui était formée d’un unique bâtiment allongé.

J’ai donc voulu savoir comment la grange de la fin du XVIIIème siècle était devenue la belle maison actuelle.

Recherches dans les plans cadastraux et les matrices du cadastre

Au moment de la création du cadastre à Montmort, vers 1823, le bâtiment de granges était divisé en 3 parcelles, numérotées C 218, C 219 et C 220 :

En rouge les deux parcelles constituant la maison actuelle, sur le cadastre napoléonien de 1823

En rouge les deux parcelles constituant la maison actuelle, sur le cadastre napoléonien de 1823

La première parcelle (C 218) appartenait au propriétaire du château (et c’est toujours le cas de nos jours).

Les deux suivantes (C 219 et C 220), en rouge sur le plan ci-dessus, appartenaient à deux propriétaires différents. Ce sont ces deux parcelles, désormais rattachées, qui forment la maison actuelle.

De nos jours, elles semblent former une unité, mais en réalité, elles ont eu une évolution distincte et elles n’ont été réunies que vers 1926.

Histoire de la parcelle C 219 (de 1823 à 1926)

En 1823, lors de la création du cadastre napoléonien, la parcelle contenant la partie centrale de la grange (parcelle C 219) appartient à François ROBIN, un meunier de Montmort.

Le bâtiment a alors toujours une fonction de grange (il est mentionné comme « bâtiment rural » sur les matrices cadastrales).

Peu de temps après, vers 1824, la parcelle est acquise par Louis Nicolas VERRAT, un marchand de bois qui vit à Montmort avec sa femme. Il est également propriétaire de plusieurs maisons dans le centre du village et peut-être se sert-il de cette grange pour entreposer le bois qu’il vend.

Louis Nicolas VERRAT décède en 1849 à Vichy (dans l’Allier), sûrement en déplacement pour son travail.

Suite à son décès, ses biens reviennent à ses enfants, puis sont vendus par adjudication. La grange de la parcelle C 219 est alors acquise par Pierre Auguste MASSON, un tuilier de Montmort, en juin 1850.

C’est lui qui va être à l’origine de la première extension du bâtiment existant : en 1855, une première aile est ajoutée à la grange.

Evolution des parcelles après les travaux de 1855

Evolution des parcelles après les travaux de 1855

Contrairement au bâtiment existant, qui reste classé comme bâtiment rural, la nouvelle construction est appelée à servir de maison.

En 1882 (lorsqu’elle apparaît sur le registre des propriétés bâties), elle est équipée d’une porte cochère et de 11 ouvertures. Une douzième ouverture est ajoutée en 1901.

La parcelle reste la propriété de Pierre Auguste MASSON et de ses héritiers jusqu’en 1883. Elle passe ensuite à différents propriétaires sans que de grands changements n’y soient faits.

Enfin, vers 1927, elle est acquise par Maurice POCQUET de LIVONNIERE.

Histoire de la parcelle C 220 (de 1823 à 1926)

Lors de la création du cadastre, cette seconde parcelle appartient à Ambroise OUDELIN, un aubergiste de Montmort, qui en reste le propriétaire jusqu’en 1849.

Il possède également deux parcelles attenantes : la parcelle C 221 constituée d’un jardin, et la parcelle C 222 sur laquelle est construite une maison.

Ces trois parcelles constituent alors l’auberge de « La Pomme d’Or », qui a existé à Montmort au moins jusqu’au début du XXème siècle. En effet, on la retrouve sur des cartes postales d’époque :

L'Auberge de la Pomme d'Or et le Château de Montmort au début du XXème siècle

L’Auberge de la Pomme d’Or et le Château de Montmort au début du XXème siècle

En juin 1849, l’auberge et toutes ses dépendances (dont la grange) sont acquises par Adolphe Gabriel BUFFRY, lui aussi aubergiste. Il reste le propriétaire de l’auberge jusqu’à son décès, puis celle-ci revient à son fils, Adolphe dit Ambroise BUFFRY.

Vers 1873, Ambroise BUFFRY est à l’origine d’une nouvelle extension de la grange. Il fait construire un nouveau bâtiment sur la parcelle C 220 : une maison qui ne possède alors que 5 ouvertures imposables.

Au décès d’Ambroise BUFFRY, en 1882, c’est sa sœur Zénaïde qui hérite de la maison et la conserve jusqu’à son décès en 1887.

Elle est ensuite acquise par Pierre Narcisse BANDRY, concierge à Paris, qui entreprend des travaux importants en 1889 : la maison passe de 5 ouvertures imposables à 15 ouvertures, dont une porte cochère (puis 17 ouvertures l’année suivante).

Evolution des parcelles après les travaux de 1873 et de 1889

Evolution des parcelles après les travaux de 1873 et de 1889

La maison reste dans la famille BANDRY jusqu’en 1926, époque vers laquelle elle est acquise par Maurice POCQUET de LIVONNIERE.

Réunions des deux parcelles et création de la maison actuelle

C’est donc Maurice POCQUET de LIVONNIERE, un ingénieur des Mines originaire d’Orléans, qui est à l’origine de la réunion des deux parcelles C 219 et C 220 entre 1926 et 1927.

Vers 1929, lui et sa femme (qui est originaire de Montmort) acquièrent également plusieurs parcelles proches, en particulier les bâtiments de l’auberge de la Pomme d’Or (C 222).

En 1931, il fait construire une salle de spectacle sur la parcelle réunie (C 219/220). Celle-ci existe toujours (même si elle a perdu sa vocation) dans l’ancien bâtiment qui constituait la grange initiale.

La maison sur le cadastre actuel

La maison sur le cadastre actuel (source : IGN / Géoportail)

J’imagine que c’est également Maurice POCQUET de LIVONNIERE et sa femme qui ont été à l’origine des nombreux aménagements faits sur la maison et dans les jardins, pour lui donner son aspect actuel.

Tous deux sont restés les propriétaires de la maison jusque dans les années 1960, avant que celle-ci ne soit acquise par la famille des propriétaires actuels.

 

Voilà qui conclut ces recherches dans le cadastre. Au final, on constate que la maison actuelle a eu une histoire assez complexe.

En effet, contrairement aux apparences, la grange du XVIIIème siècle n’est pas devenue directement la maison actuelle :

  • celle-ci est restée divisée pendant plus d’un siècle, de 1823 à 1927,
  • les ailes modernes qui donnent la forme de U à la maison n’ont pas été construites en même temps (1855 pour la première aile, 1873 pour la seconde).

Aujourd’hui, je n’habite plus dans cette jolie maison. En effet, j’ai déménagé entretemps en Moselle, et je réside désormais en pleine ville, dans un immeuble situé sur le bord d’une belle avenue commerçante.

Cet immeuble est beaucoup plus récent que ma maison de la Marne : il a été construit dans la première partie du 20ème siècle.

Néanmoins, il y a certainement des choses très intéressantes à découvrir à son sujet, notamment : qu’est-ce qu’il y avait avant sa construction, à quoi ressemblait l’avenue à cette époque, quelles modifications a connu l’immeuble depuis sa construction, etc.

Pour mes prochaines recherches dans le cadastre,  j’aimerais donc retracer l’histoire de cet immeuble, ainsi que celle de l’avenue sur laquelle il est situé.

Et vous, y a-t-il une maison ou un immeuble dont vous aimeriez connaître l’histoire ? Avez-vous déjà commencé des recherches à ce sujet ?

Elise

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