26 questions pour écrire la vie d’un ancêtre (Louis-Philippe Grandsire)
Durant tout le mois de juin, j’ai choisi d’écrire la vie de mon ancêtre Louis-Philippe Grandsire en répondant à 26 questions.
Louis-Philippe Grandsire est né à Caudebec-en-Caux, en Seine-Maritime, en 1791 et décédé dans cette même ville en 1862. Cet ancêtre est, de base, le plus « invisible » de ma lignée Grandsire.
Aucun fait de sa vie ne l’a fait se distinguer au cours de mes recherches et c’est l’ancêtre de cette lignée que je connais le moins bien.
Pour faciliter la lecture, j’ai découpé le récit de sa vie en 5 parties (accessibles directement en cliquant sur les liens) :
- Partie 1 – L’Enfance de Louis Philippe Grandsire
- Partie 2 – La Jeunesse de Louis Philippe Grandsire
- Partie 3 – La Vie Maritale de Louis Philippe Grandsire
- Partie 4 – Le Métier et la Vie active de Louis Philippe Grandsire
- Partie 5 – La Fin de Vie de Louis Philippe Grandsire
Remarque Pour écrire simplement l'histoire d'un ancêtre, le mieux est de commencer par télécharger le guide 26 questions pour raconter la vie d’un ancêtre en cliquant ici.
L’Enfance de Louis-Philippe Grandsire (Partie 1)
Dans cette première partie, nous aborderons son enfance, et en particulier la période de 1791 à 1803, en 6 questions.
1. Où a-t-il vécu les premières Années de sa vie ?
Louis-Philippe Grandsire est né et a passé toute son enfance à Caudebec-en-Caux, sur les bords de Seine. A cette époque, Caudebec était une petite ville de 3000 habitants, sur le déclin.
Sous l’ancien régime Caudebec avait en effet été une ville d’une certaine importance avec une industrie chapelière prospère (on y confectionnait un chapeau de feutre noir nommé « caudebec » qui fut beaucoup porté par les Huguenots) et de nombreuses tanneries. D’autre part, elle était le siège du Grand Baillage de Caux. Caudebec était donc pourvue, à cette époque, d’un tribunal, de prisons et d’un gibet.
Pendant l’enfance de Louis-Philippe, l’importance (et la population) de Caudebec commençait à décroître au profit de sa voisine, Yvetot. La chapellerie y avait disparu et les tanneries étaient beaucoup moins nombreuses. Caudebec était toutefois toujours un port important sur la Seine, notamment pour le transport du grain à destination de Rouen et de Paris.
(Sources : Esquisse de l’histoire de Caudebec en Caux et de sa région, par Gustave Valmont, sur Gallica)
2. Quelles ont été les circonstances de son Baptême ?
Louis-Philippe Grandsire est né le 28 avril 1791, et a été baptisé dès le lendemain par le curé de l’unique paroisse de Caudebec-en-Caux. Il a ainsi été baptisé dans la magnifique église Notre-Dame de Caudebec, qualifiée par Henri IV comme « plus belle chapelle de [son] royaume ». Il a donc probablement été porté sur les fonts baptismaux en bois sculpté qui sont toujours visibles aujourd’hui dans cette église.
Son parrain a été Philippe Lemire, son oncle paternel par alliance, certainement assez proche de sa famille puisqu’il a été témoin lors de divers évènements concernant ses parents. Sa marraine était sa grand-mère paternelle, Madeleine Conihout, alors âgée d’environ 55 ans.
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
3. Quelles étaient les Conditions de vie de ses parents ?
Au moment de la naissance de Louis-Philippe, ses parents, Jean Louis Gabriel Grandsire et Marie Madeleine Gagnère étaient mariés depuis 4 ans, et avaient déjà une fille, Charlotte Madeleine, née en 1788 (moins de 5 mois après leur mariage). Tous les deux étaient nés à Caudebec-en-Caux et y avaient passé leur enfance.
Les parents de Louis-Philippe étaient certainement de condition assez pauvre. Son père était journalier, et fils de journaliers. Sa mère, quant à elle, n’avait pas de profession officielle, et était la fille d’un journalier arrivé du Forez quelques décennies plus tôt. Toutefois, nous ne disposons que de peu d’éléments pour estimer plus précisément leur niveau de vie à cette époque.
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
4. A-t-il connu des Deuils dans son enfance ?
L’enfance de Louis-Philippe Grandsire a été marquée par le décès de son père, alors qu’il n’avait que 3 ans. Même s’il était certainement encore trop jeune pour comprendre et se souvenir de ces évènements, la mémoire familiale a dû être fortement marquée par les circonstances tragiques de ce décès.
Son père s’est en effet noyé dans la Seine en tombant depuis un quai de Caudebec, en été 1794. Son corps n’a été retrouvé que 3 jours plus tard, flottant en face du hameau de la Roquette, en aval sur la Seine.
Pour sa famille, et en particulier pour la mère de Louis-Philippe qui était alors enceinte de leur troisième enfant, l’attente a dû paraître interminable. Même si son décès ne laissait sûrement aucun doute, il était, à cette époque, très important de pouvoir retrouver le corps du noyé et lui offrir une sépulture.
(Sources : registres d’état civil des communes de Caudebec-en-Caux et Saint-Arnoult, AD76)
5. Quels Evènements nationaux ou locaux a-t-il pu connaître dans son enfance ?
Louis-Philippe Grandsire est né au cours d’une période agitée puisqu’il est né en 1791. C’est justement à partir de cette année-là que les premiers troubles se déclarent à Caudebec. Ils s’aggravent même au cours de l’année suivante, avec l’apparition de bandes de brigands qui parcourent la région. Caudebec subit les troubles de la Terreur comme de nombreuses autres villes de France. Mais la question de la subsistance est ici particulièrement marquée, car la ville constitue depuis longtemps un point de passage pour le transport du grain sur la Seine, à destination de Rouen et de Paris.
Toutefois, mon ancêtre n’a pas dû garder beaucoup de souvenirs de cette période, et il aura peut-être été plus marqué par des évènements plus festifs tels que la venue du Premier Consul à Caudebec en l’an XI.
(Sources : Esquisse de l’histoire de Caudebec en Caux et de sa région, par Gustave Valmont, sur Gallica)
6. Quels membres de sa Famille a-t-il connus ?
Louis-Philippe Grandsire a certainement connu ses grands-parents paternels qui sont tous les deux décédés alors qu’il avait une dizaine d’années. D’autre part, les témoins présents lors des différents évènements concernant sa famille montrent qu’il avait conservé des liens avec sa famille paternelle, en dépit du décès prématuré de son père. L’absence de recensements à cette époque ne nous permet pas de savoir s’il vivait près de ses grands-parents ou des autres membres de sa famille.
Il n’a, par contre, pas connu ses grands-parents maternels, décédés quelques années avant sa naissance. Les membres de sa famille maternelle n’apparaissent pas comme témoins au cours de sa vie. Par ailleurs, j’ai perdu la trace de ses oncle et tante maternels lors de mes recherches, ce qui me pousse à croire qu’ils n’habitaient plus à Caudebec pendant l’enfance de Louis-Philippe.
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
La Jeunesse de Louis-Philippe Grandsire (Partie 2)
Après nous être penchés sur l’enfance de Louis-Philippe Grandsire (lire l’article), nous abordons cette semaine sa jeunesse, avec 6 nouvelles questions.
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7. A-t-il connu des périodes de Guerre ou d’occupation ?
La jeunesse de Louis-Philippe Grandsire s’est déroulée en pleine période de guerres napoléoniennes. Louis-Philippe a dû voir partir de nombreux jeunes de sa génération pour grossir les troupes de l’armée napoléonienne. Certains, comme son beau-frère, n’en sont d’ailleurs jamais revenus.
Pendant les campagnes de Napoléon, la ville de Caudebec est restée relativement éloignée des zones de combats. Mais en octobre 1815, trois régiments anglais arrivent dans l’arrondissement d’Yvetot, dont un cantonné à Caudebec-en-Caux. Ils y restent jusqu’à la mi-décembre 1815. Cette période d’occupation, bien que courte, ne s’est pas déroulée sans heurts et a dû susciter une certaine émotion chez les habitants de Caudebec. Dans une lettre adressée au préfet de Seine-Inférieure, le sous-préfet d’Yvetot évoque en effet le départ des anglais en ces termes :
Je puis vous assurer, Monsieur le Préfet, que ce départ est un évènement très heureux pour ce pays, car depuis quelques temps beaucoup d’individus de cette nation se comportaient fort mal. Ils se permettaient des vols, des violences, etc, etc. Et quoi qu’en général MM. les chefs se montrassent envers leurs subordonnés très fermes et très sévères, les délits de cette espèce ne s’en renouvelaient pas moins tous les jours. (Lettre du 13 décembre 1815 – AD 76 – 8 R 83)
(Sources : archives concernant l’occupation de la France par les armées ennemies, sous-série 8R des AD76)
8. Dans quel type d’Habitat vivait-il ?
Louis-Philippe Grandsire vivait à Caudebec-en-Caux dans sa jeunesse, mais je ne sais pas précisément dans quel quartier. Il est toutefois fort probable qu’il vivait alors dans l’un des deux quartiers où il a vécu pendant le reste de sa vie : le faubourg de Rouen ou le quartier de la Planquette.
Quel que soit le cas, il s’agissait des quartiers pauvres de Caudebec et il y a fort à parier qu’il vivait dans l’une de ces maisons à pans de bois très courantes à Caudebec à cette époque (mais dont la grande majorité a disparu suite à la Seconde Guerre Mondiale).
Il devait donc vivre dans un habitat resserré, avec une forte densité de population, et des logements relativement précaires.
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
9. Quel était son niveau d’Instruction ?
Louis-Philippe Grandsire n’a jamais su ni lire ni écrire. Il n’a signé aucun des actes des différents évènements auxquels il a participé. Il existait pourtant des possibilités de s’instruire à Caudebec-en-Caux, mais compte tenu de son histoire familiale, il a certainement dû commencer à travailler très tôt pour aider sa mère à subvenir aux besoins de la famille.
Ce n’est toutefois pas seulement à cause du décès prématuré de son père qu’il n’a jamais appris à écrire : ni ses parents ni ses grands-parents n’ont jamais su signer les actes les concernant.
Par ailleurs, au cours de sa vie, Louis-Philippe a exercé des professions qui ne nécessitaient pas un niveau d’instruction particulier : il a d’abord été journalier puis ouvrier tanneur.
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
10. A-t-il été mêlé à des affaires Judiciaires ?
Je n’ai, pour le moment, pas retrouvé la trace de Louis-Philippe dans les archives judiciaires, mais la lecture des jugements de simple police du Juge de Paix de Caudebec-en-Caux permet aisément d’imaginer les affaires auxquelles il pouvait être confronté au quotidien.
A Caudebec, pendant la jeunesse de Louis-Philippe, les affaires judiciaires les plus courantes concernent :
- des conflits entre vendeurs et acheteurs pour se faire payer les sommes dues ;
- des marchands condamnés pour défaut de mesures légales ou pour avoir encombré la voie publique avec leurs marchandises ;
- des hommes et des femmes, généralement en état d’ivresse, condamnés pour tapage nocturne.
Parmi cette dernière catégorie, il est une affaire dont Louis-Philippe a forcément entendu parler : en 1819, sa belle-sœur est condamnée à 11 francs d’amende et une journée d’emprisonnement pour tapage injurieux et nocturne.
(Sources : archives de la justice de paix de Caudebec-en-Caux, sous-série 4U des AD76)
11. A-t-il porté le Képi / A-t-il fait son service militaire ?
Comme tous les jeunes de son âge, Louis-Philippe Grandsire était soumis à la conscription militaire l’année de ses 20 ans. Il a donc été appelé en début d’année 1811 devant le Conseil de Recrutement du canton de Caudebec.
Lors de ce conseil, Louis-Philippe a demandé à être réformé pour épilepsie. Selon une première décision du conseil, son épilepsie n’est « pas suffisamment constatée » et « non connue du maire ». Elle est toutefois « certifiée par quatre conscrits dont deux ne l’ont pas vu tomber depuis 5 ans ». Louis-Philippe repasse donc devant le Conseil de Recrutement le 11 avril 1811. Cette fois, il est définitivement réformé pour épilepsie « constatée par le maire et par les conscrits de la commune ».
Contrairement à 29 jeunes conscrits de son canton, Louis-Philippe n’a donc pas eu à servir dans l’armée maritime. Ce fut certainement un soulagement pour lui, d’autant que sa femme était déjà enceinte de leur premier enfant.
(Sources : archives du recrutement militaire, listes cantonales de Caudebec-en-Caux en 1811, sous-série 1R des AD76)
12. Quelle Langue ou patois parlait-il ?
Louis-Philippe a vécu toute sa vie dans le pays de Caux et il y a donc fort à parier qu’il parlait le patois cauchois au quotidien.
Le patois qu’il employait était certainement beaucoup plus proche du français que celui que ses grands-parents parlaient. Dans sa jeunesse, en effet, du fait de la conscription militaire, le patois cauchois commençait à s’uniformiser et à se rapprocher du français. Cela devait être d’autant plus marqué à Caudebec dont le port constituait un point de passage pour de nombreux bateaux en provenance ou à destination de Paris.
A lire également : Retrouver comment parlaient nos ancêtres
(Sources : enquête sur les dialectes et essai sur le patois cauchois dans l’arrondissement du Havre, sous-série 6M des AD76)
Elise
La Vie Maritale de Louis-Philippe Grandsire (Partie 3)
Après avoir abordé l’enfance (lire l’article) et la jeunesse (lire l’article) de Louis-Philippe Grandsire, penchons-nous maintenant sur sa vie maritale, en 6 questions.
13. Quelles ont été les circonstances de son Mariage ?
Louis-Philippe Grandsire épouse Marie-Catherine Hague le 12 novembre 1810 à Caudebec-en-Caux. Celle-ci a 10 ans de plus que lui et est originaire de Saint-Arnoult, village voisin de Caudebec.
Le père de Marie-Catherine est décédé à Saint-Arnoult alors qu’elle n’avait que 4 ans. Sa mère, Thérèse Depuydt (née dans les Flandres et dont le nom a été francisé en « Put » à son arrivée en Normandie), est encore vivante au moment du mariage de Marie-Catherine avec Louis-Philippe. Elle vit alors depuis quelques années à Caudebec avec Marie-Catherine et ses sœurs. C’est donc certainement à Caudebec que Louis-Philippe et Marie-Catherine se sont rencontrés.
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Au moment de leur mariage, Marie-Catherine a déjà un fils, Pierre Eugène, né de père inconnu un an et demi plus tôt. Il est peu probable que Louis-Philippe soit le père de cet enfant car il ne l’a pas reconnu lors de leur mariage, comme c’est généralement le cas en pareilles circonstances.
Leur mariage se déroule très certainement dans l’église Notre-Dame de Caudebec, où Louis-Philippe avait été baptisé. Ils passent devant le maire à 7 heures du soir, en présence de leurs mères, des oncles paternels de Louis-Philippe, et de quelques témoins.
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
14. Comment a-t-il Nommé ses enfants ?
Louis-Philippe Grandsire et Marie-Catherine Hague ont eu ensemble 3 enfants :
- Louis François Napoléon, né en 1811 ;
- Victor Alexandre, né en 1814 ;
- Catherine Euphrasie, née en 1817.
Les prénoms de leurs enfants sont tous composés de la même façon : un prénom classique (ou du moins relativement courant) et un prénom un peu plus original.
Toutefois, tout en étant assez rares, les deuxièmes prénoms donnés à leurs enfants sont parfaitement dans l’air du temps. Pour en juger, j’ai étudié dans les registres des naissances de Caudebec-en-Caux le nombre de fois où chacun des prénoms Napoléon, Alexandre et Euphrasie était donné entre 1802 et 1817.
Lorsque nait leur premier enfant, Napoléon Ier est encore au pouvoir et le prénom Napoléon est assez en vogue à Caudebec. L’année précédente, le parrain de Louis-Philippe a nommé l’un de ses fils Jacques Philippe Napoléon.
Les années de naissance de Victor Alexandre et de Catherine Euphrasie correspondent également aux « pics » de naissance d’enfants prénommés Alexandre et Euphrasie (même si le pic est moindre pour cette dernière).
(Sources : registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux, AD76)
15. Quelles étaient ses Occasions d’aller à la ville ?
Louis-Philippe et sa femme vivaient en ville et s’y rendaient donc quotidiennement. Toutefois, nous pouvons nous demander quelles étaient leurs occasions de fréquenter certains lieux de la ville tels que l’église, l’auberge et le marché.
Au XIXème siècle, il n’y avait apparemment plus qu’une seule église à Caudebec-en-Caux : celle de Notre-Dame. Celle-ci était située tout près des lieux de vie de Louis-Philippe et de sa femme, mais il nous sera malheureusement impossible de savoir s’ils s’y rendaient à la messe.
Peut-être Louis-Philippe fréquentait-il plus souvent l’auberge que l’église. Là encore, il est difficile de savoir quelle auberge il pouvait fréquenter : l’auberge du quartier de la Planquette, représentée sur de nombreuses cartes postales du début du XXème siècle, existait-elle déjà ?
Le marché de Caudebec-en-Caux se tenait tous les samedis et avait une certaine importance, notamment pour le commerce du grain et du foin. Il se tenait également ce jour-là une halle au blé, à l’avoine, au seigle, à l’orge et aux haricots.
(Sources : Statistiques de la population industrielle dans l’arrondissement d’Yvetot, sous-série 6M des AD76 et Essai historique et artistique sur Caudebec et ses environs, par Anatole Saulnier, sur Gallica)
16. A-t-il été Propriétaire de biens ?
Contre toute attente, Louis-Philippe et sa femme, qui semblent avoir toujours vécu dans la pauvreté, ont été propriétaires. C’est du moins ce que laisse supposer une publication parue dans le Journal de Rouen du 8 août 1840.
Cette publication mentionne un contrat de vente au terme duquel un dénommé Amand-Louis Anquetil aurait acquis de Louis-Philippe Grandsire et de Marie-Catherine Hague une portion de terrain, située à Epinay-sur-Duclair. Il s’agissait d’un petit terrain bâti d’une maison d’habitation « composée d’un rez-de-chaussée, d’un premier étage, d’un grenier au-dessus et de lieux d’aisance », située dans le hameau du Vieil-Epinay.
Toutefois le mystère demeure : comment Louis-Philippe et sa femme sont-ils devenus propriétaires de ce bien ? D’autant qu’ils ne l’ont sûrement été que pour une courte durée car ils ne sont pas mentionnés comme propriétaires dans la matrice cadastrale d’Epinay-sur-Duclair (n’y figurent que les propriétaires successifs et précédents).
(Sources : Journal de Rouen du 8 août 1840 et Cadastre d’Epinay sur Duclair, sous-série 3P des AD76)
17. Dans quel Quartier vivait-il ?
Ce n’est qu’avec les recensements de population que nous pouvons connaître les adresses successives de Louis-Philippe et de sa famille. Malheureusement, le recensement de 1836 ne donne pas leur adresse. Il nous apprend néanmoins que le couple vit alors avec 3 de leurs enfants : Pierre Eugène (inscrit par erreur sous le nom de Grandsire alors qu’il a toujours porté le nom de sa mère), Victor et Euphrasie. Louis-François est alors déjà marié et ne vit plus avec eux.
En 1841, tous les enfants du couple sont mariés et ont fondé leur propre foyer. Louis-Philippe et sa femme vivent alors dans la rue Saint-Pierre, non loin de la place Saint-Pierre. Ils y habitent avec leur petit-fils Désiré Louis Mercier (le fils d’Euphrasie).
Ils vivent alors dans le quartier central de Caudebec, tout près du quartier de la Planquette où vivaient leurs mères respectives jusqu’à leur décès.
Suite au décès de Marie-Catherine, en 1842, Louis-Philippe se retrouve seul avec son petit-fils. Lors du recensement de 1851, ils ont quitté le centre de Caudebec, pour vivre sur la route d’Yvetot, au-delà des remparts historiques de la ville. Ils se retrouvent alors plus loin du centre, mais certainement plus près des tanneries où Louis-Philippe pouvait travailler.
(Sources : Recensements de la population de Caudebec-en-Caux, AD76)
18. Quels étaient les Revenus de son foyer ?
En tant qu’ouvrier tanneur, Louis-Philippe devait gagner un salaire journalier de l’ordre de 1,80 franc, ce qui était le salaire moyen d’un ouvrier tanneur en 1855, à Caudebec-en-Caux. Marie-Catherine, quant à elle, était dévideuse de coton et devait gagner très peu d’argent.
En 1817, suite à la naissance de leur fille, le couple se retrouve avec 4 bouches à nourrir. L’aîné des enfants n’a alors que 8 ans et est encore trop jeune pour travailler et apporter un complément de revenu à ses parents. La période de 1817 à 1821 a donc dû être la plus difficile financièrement pour la famille Grandsire.
Sur un an, dans cette période, les revenus des membres de la famille peuvent être estimés à :
- Louis-Philippe : 315 journées à 1,80 franc par jour, soit 567 francs ;
- Marie-Catherine : 200 journées à 0,90 franc par jour, soit 180 francs.
Soit un revenu total annuel proche de 750 francs. Or, différentes études réalisées sur les dépenses des ouvriers pendant la première moitié du XIXème siècle montrent qu’il fallait environ cette somme-là (mais sûrement un peu plus) pour subvenir aux besoins annuels d’une famille avec 4 enfants.
Louis-Philippe et sa femme gagnaient donc certainement tout juste de quoi subvenir à leurs besoins. Toutefois, leur situation a dû rapidement s’améliorer à mesure que leurs 3 garçons ont été en âge de travailler.
(Sources : Statistiques de la population industrielle dans l’arrondissement d’Yvetot, sous-série 6M des AD76 et Les Salaires et la condition ouvrière en France à l’aube du machinisme (1815-1830), par Paul Paillat, sur Persée)
Le Métier et la Vie Active de Louis-Philippe Grandsire (Partie 4)
Après avoir vu son enfance, sa jeunesse et sa vie maritale, nous allons nous pencher, dans cette quatrième partie, sur la vie active de Louis-Philippe Grandsire avec 6 nouvelles questions.
19. Quel pouvait être son environnement Sensoriel ?
Il ne sera bien sûr jamais possible de reconstituer avec certitude l’univers sensoriel dans lequel évoluait Louis-Philippe Grandsire, et encore moins de savoir comment il le percevait. Il est toutefois possible d’imaginer quelques-uns des éléments qui pouvaient constituer son univers sensoriel.
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Vivant en plein centre de Caudebec, non loin de l’église, le quotidien de Louis-Philippe devait être marqué par le son des cloches de l’église, et les pas de chevaux sur les pavés des petites rues de Caudebec. L’église et les maisons à colombage du centre-ville composaient certainement une grande partie de son environnement visuel, et son horizon ne devait s’étendre que lorsqu’il se rapprochait des quais de la Seine.
Le métier de tanneur de Louis-Philippe devait occuper une grande partie de son environnement sensoriel, par les fortes odeurs de tannage, notamment, et par le touché des peaux lors des différentes étapes de leur préparation.
Pour ce qui est des saveurs, compte-tenu de ses revenus, Louis-Philippe et sa famille n’avaient sans doute pas une alimentation très variée. Sûrement se contentaient-ils souvent de pain et de soupe. Côté boisson, à n’en pas douter, il devait boire du cidre, beaucoup plus courant que le vin dans cette région.
20. Quel était son environnement de Travail ?
Historiquement, les tanneries de Caudebec se situaient juste derrière les remparts de la ville, le long des deux cours d’eau traversant Caudebec : l’Ambion et la Sainte Gertrude. Les tanneries devaient en effet être installées près d’un cours d’eau afin de nettoyer et de tremper les peaux.
On sent encore de nos jours, l’importance qu’a revêtue la tannerie à Caudebec, avec la rue des Tanneurs, près des remparts, et la présence, dans l’église, d’une statue de Saint-Crépin, patron des tanneurs.
Au milieu du XIXème, il ne restait à Caudebec que 7 tanneries, employant une soixantaine d’ouvriers tanneurs et corroyeurs. La communauté des tanneurs de Caudebec restait donc importante malgré la diminution du nombre d’établissement. Louis-Philippe devait être bien intégré au sein de cette communauté : parmi les témoins des différents évènements de sa vie, on compte un grand nombre de tanneurs, ainsi que quelques cordonniers (qui partagent le même saint patron).
(Sources : Statistiques de la population industrielle dans l’arrondissement d’Yvetot, sous-série 6M des AD76 et registres d’état civil de la commune de Caudebec-en-Caux)
21. Quels Ustensiles était-il amené à utiliser dans son travail ?
Louis-Philippe Grandsire n’étant qu’ouvrier tanneur, il ne possédait certainement pas ses propres outils et utilisaient ceux que lui prêtait son patron. Le tannage des peaux se déroulait en plusieurs étapes, nécessitant chacune des outils spécifiques.
Il y avait d’une part le travail de rivière, qui consistait à faire tremper les peaux, puis à les rincer. Les peaux étaient alors manipulées avec de grandes pinces ou tenailles de fer. Elles étaient ensuite transportées dans de grandes cuves où elles étaient mises à tremper dans un bain de chaux. Les peaux étaient ensuite posées sur des chevalets afin d’en retirer les poils avec un couteau rond (couteau à lame courbe).
(Source : Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, sur Gallica)
22. A-t-il eu l’occasion de Voyager ?
Louis-Philippe n’a certainement jamais fait de grand voyage, et n’est même sûrement jamais sorti des limites de son département. Il a toutefois quitté Caudebec, au moins à quelques occasions notables :
- en octobre 1839, il est témoin au mariage de son beau-fils Pierre Eugène Hague, à Sainte Marguerite sur Duclair ;
- en mai 1856, alors qu’il a 65 ans, il est témoin au mariage de sa nièce Constance Céleste Leberquier, à Lillebonne ;
- enfin, en janvier 1859, à l’âge de 68 ans, il assiste au troisième mariage de son fils, Louis François, à Rouen.
Ces trois mariages ne sont certainement pas les seules occasions auxquelles Louis-Philippe a été amené à prendre la route : il a, par exemple, pu être amené à se rendre à Yvetot pour des besoins administratifs ou des foires.
(Sources : registres d’état civil des communes de Rouen, Lillebonne et Sainte Marguerite sur Duclair, AD76)
23. Quelles étaient les Voies de communication principales ?
Caudebec était initialement principalement reliée aux villes voisines par des chemins. Sous l’ancien régime et pendant la période révolutionnaire, la grande route permettant d’aller à Rouen passait par Yvetot, ce qui rendait le chemin long et laborieux pour les habitants de Caudebec désirant se rendre à Rouen.
Pourtant Caudebec, même sans route principale, n’était pas totalement coupée du monde, puisqu’elle se trouvait sur les bords de Seine et constituait de fait un passage obligé pour les nombreux bateaux allant venant du Havre, en direction de Rouen et de Paris.
Au début du XIXème siècle, lors du passage du Premier Consul, les habitants de Caudebec demandèrent une route les reliant à Rouen d’un côté et au Havre de l’autre. Ils obtinrent ainsi la construction d’une nouvelle route qui reliait Rouen au Havre, en passant par Caudebec et Lillebonne.
C’est certainement grâce à cette route que Louis-Philippe Grandsire a pu se rendre à Lillebonne et Rouen pour assister aux mariages des membres de sa famille.
(Source : Essai historique et artistique sur Caudebec et ses environs, par Anatole Saulnier, sur Gallica)
24. A-t-il connu l’eXode rural ?
Comme nous l’avons vu, Louis-Philippe Grandsire a toujours vécu à Caudebec-en-Caux. Mais il a vu ses 3 enfants quitter Caudebec, au moins provisoirement, pour aller vivre à Rouen.
Ses deux fils et son gendre (le mari de Catherine Euphrasie) exerçaient tous les trois la profession d’ouvrier tanneur. Or, l’activité de tannerie à Caudebec a été sur le déclin tout au long du XIXème siècle.
Au moment, où les enfants de Louis-Philippe ont commencé à fonder une famille, cette activité n’était peut-être plus suffisante pour subvenir à leurs besoins. D’autant qu’en 1855, il n’existait à Caudebec aucun établissement employant des femmes. Celles-ci ne pouvaient exercer que la profession de dévideuse, qui ne pouvait leur assurer que peu de revenus. La ville de Rouen constituait donc une zone d’attrait importante.
Son fils cadet, Victor, a été le premier à partir, vers 1846, avec sa femme et son premier fils. Ils ont été suivis de près par Catherine Euphrasie et son mari, qui laissèrent leur fils à Caudebec, aux soins de Louis-Philippe. Louis François, l’aîné, semble être resté à Caudebec plus longtemps et ne s’être installé définitivement à Rouen qu’après son troisième mariage, en 1859.
(Sources : Statistiques de la population industrielle dans l’arrondissement d’Yvetot, sous-série 6M des AD76 et registres d’état civil des communes de Caudebec-en-Caux et Rouen)
La Fin de Vie de Louis-Philippe Grandsire (Partie 5)
Après avoir abordé l’enfance, la jeunesse, la vie maritale et la vie active de Louis-Philippe Grandsire, nous allons nous pencher, dans cette dernière partie, sur sa fin de vie.
25. Quel est le dernier lieu sur lequel il a posé les Yeux ?
Le 2 septembre 1861, Louis-Philippe Grandsire est admis à l’Hospice de Caudebec-en-Caux. Il a alors 70 ans, ce qui lui permet d’y être admis comme « vieillard indigent ». C’est dans cet hospice qu’il passera la fin de sa vie, et pendant cette période, il ne pourra que rarement poser les yeux en dehors des murs de l’Hospice.
Remarque Pour écrire simplement l'histoire d'un ancêtre, le mieux est de commencer par télécharger le guide 26 questions pour raconter la vie d’un ancêtre en cliquant ici.
Le règlement de l’Hospice de Caudebec stipule en effet que les indigents admis à l’Hospice ne peuvent en sortir qu’une fois tous les trois mois. De plus, les visites de membres de la famille ne sont autorisées qu’une fois par semaine : le dimanche, de 1 heure à 2 heures de l’après-midi. Les enfants de Louis-Philippe qui ne vivent alors plus à Caudebec font-ils parfois le déplacement pour rendre visite à leur père ?
Toutes les personnes admises à l’hospice sont tenues de travailler tant que leur état de santé le leur permet. Les hommes travaillent dans les jardins et la basse-cour, tandis que les femmes et les enfants filent le lin ou dévident le coton. Toutefois, l’état de santé de Louis-Philippe n’est peut-être plus assez bon pour qu’il ait à travailler. Dans l’un des registres de l’hôpital, il est en effet qualifié d’infirme, mais sans plus d’information sur la nature de cette infirmité.
(Sources : Archives de l’Hospice de Caudebec-en-Caux, sous-série 113H des AD76)
26. Fin du Zoom : quelles ont été les circonstances de son décès ?
Louis-Philippe décède le 2 septembre 1862, à l’Hospice de Caudebec-en-Caux, un an jour pour jour après y avoir été admis. Son décès, qui est survenu à 2 heures du matin, est déclaré le matin même, à 11 heures, par deux administrateurs de l’Hospice.
Louis-Philippe a alors 71 ans, et une dure vie de travail comme ouvrier tanneur derrière lui. Sa femme Marie-Catherine qui l’a précédé, 20 ans plus tôt, est elle aussi décédée à l’Hospice de Caudebec-en-Caux.
Suite à son décès, le corps de Louis-Philippe a dû être déposé dans la chambre mortuaire de l’hôpital où ses enfants ont pu venir lui rendre une dernière visite. Peut-être a-t-il alors eu droit à une petite cérémonie dans la chapelle de l’Hospice.
Il a ensuite probablement été conduit et inhumé dans le cimetière Saint-Maur, situé dans l’Est de la ville. Ce cimetière n’existe plus de nos jours : il a été remplacé par un nouveau cimetière situé un peu à l’extérieur de la ville, en bordure de la forêt du Trait.
(Sources : registres d’Etat Civil de la commune de Caudebec en Caux et archives de l’Hospice de Caudebec-en-Caux, sous-série 113H des AD76)
Ainsi s’achève le récit de la vie de Louis-Philippe Grandsire. Merci à tous de l’avoir suivi, tout au long du mois de juin. J’espère que ce récit vous a plu et que ces 26 questions vous donnent envie d’écrire à votre tour la vie de vos ancêtres.
En bonus, vous pouvez télécharger ci-dessous un récapitulatif des 26 questions traitées, ainsi que l’intégralité du récit de la vie de Louis-Philippe Grandsire, au format PDF.
Remarque Pour écrire simplement l'histoire d'un ancêtre, le mieux est de commencer par télécharger le guide 26 questions pour raconter la vie d’un ancêtre en cliquant ici.
Elise