Une enquête au coeur de la noblesse
Je viens de mener une enquête pour établir l’ascendance d’une de mes ancêtres issue de la noblesse corrézienne.
Faire des recherches sur une famille noble n’est pas toujours aussi simple qu’on le croit. Certes, de nombreuses informations sont facilement trouvables dans les nobiliaires. Mais dans certains cas, il faut parcourir de nombreux ouvrages afin de recouper les informations, et savoir lire entre les lignes !
Quand j’ai découvert que l’un de mes ancêtres provenait d’une noble famille corrézienne, je me suis principalement intéressée à sa lignée paternelle qui me menait jusqu’au 15ème siècle. Plus récemment, j’ai cherché à remonter la lignée de sa mère, Jeanne de Bigorie, dont l’ascendance ne m’était pas connue.
Pour commencer mon enquête, j’ai tout d’abord rassemblé tous les éléments dont je disposais sur Jeanne de Bigorie.
Quelles informations avons-nous sur Jeanne de Bigorie ?
Jeanne de Bigorie s’est mariée le 1er octobre 1699, dans la commune de Lubersac (Corrèze), avec Guillaume de Josselin, écuyer et seigneur de Peyrat. Ensemble, ils eurent au moins 3 enfants : Raymond (mon ancêtre) né en 1700, François né en 1701 et Jean né en 1702.
Guillaume de Josselin meurt le 11 février 1704 à Lubersac, laissant sa femme veuve avec leurs enfants.
Dans la mesure où Guillaume de Josselin était âgé de 43 ans au moment de leur mariage et qu’ils ont eu des enfants, on peut simplement en déduire que Jeanne de Bigorie était plus jeune que lui. Cela laisse une grande plage possible pour la date de naissance de Jeanne de Bigorie : elle pourrait être née entre 1656 et 1684. De ce fait, même si je retrouve l’acte de naissance d’une Jeanne de Bigorie dans cette plage de dates, il ne sera rien possible d’en déduire.
Je ne possédais que très peu de données sur Jeanne de Bigorie : je n’avais d’informations ni sur son ascendance, ni sur ses dates de naissance ou de décès.
Une piste habituelle de recherche est de parcourir les registres paroissiaux pour trouver un éventuel remariage ou un acte de décès. Dans le cas où on retrouve un acte concernant une personne nommée Jeanne de Bigorie, il faut bien sûr s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une homonyme.
En effet, lors d’une recherche, il faut éviter à tout prix l’erreur d’homonymie.
Qu’est-elle devenue après le décès de son mari ?
J’ai ainsi cherché dans les registres paroissiaux de la commune de Lubersac ce que Jeanne de Bigorie a pu devenir après le décès de son mari. S’est-elle remariée ? Quand est-elle décédée ?
En 1706, j’ai trouvé le mariage d’une Jeanne de Bigorie avec Raymond Brandy. Cependant, l’acte de mariage ne permet pas de savoir s’il s’agit bien de la même Jeanne de Bigorie : il est très succinct et ne précise ni son ascendance, ni si elle était veuve. Pour plus de clarté pour la suite de l’article, je la nommerai donc Jeanne de Bigorie n°2.
Jeanne de Bigorie n°2 et Raymond Brandy eurent ensemble 3 enfants : Jacques né en 1707, Pierre né en 1709 et Louis né en 1712.
Par la suite, j’ai retrouvé dans les registres paroissiaux de Lubersac, le décès de Jeanne de Bigorie n°2, veuve de Raymond Brandy : elle est décédée le 27 février 1735, à l’âge de 55 ans environ. Là encore, l’acte ne donne pas plus d’information sur son ascendance et n’indique pas si elle avait été mariée auparavant.
Voici tout ce que j’ai retrouvé sur Jeanne de Bigorie n°2, et je n’ai pas retrouvé l’acte de décès de mon ancêtre (Jeanne de Bigorie n°1).
A ce stade, rien ne permet d’affirmer que Jeanne de Bigorie n°2 est mon ancêtre (c’est-à-dire Jeanne de Bigorie n°1, veuve de Guillaume de Josselin). Cependant, la concordance entre les dates n’exclut pas cette possibilité :
- le mariage entre Raymond Brandy et Jeanne de Bigorie n°2 a eu lieu deux ans après le décès de Guillaume de Josselin ;
- Jeanne de Bigorie n°2 est décédée en 1735 à l’âge de 55 ans : elle est donc née vers 1680, soit dans la plage de naissance de Jeanne de Bigorie n°1.
Après recherches, j’ai découvert qu’une famille de Bigorie est implantée dans la même commune depuis plusieurs générations. Ces deux Jeanne de Bigorie appartiennent donc très probablement à la famille Bigorie. Reste à déterminer leurs ascendances précises.
Pour cela, j’ai entrepris des recherches sur la famille de Bigorie et ses différents membres.
Qui était la famille de Bigorie ?
La famille de Bigorie appartenait à la noblesse corrézienne. On trouve diverses ressources l’évoquant dans les écrits plus ou moins anciens consultables sur Gallica.
Selon certaines sources, la famille de Bigorie était d’origine basque ou gasconne. Comme son nom l’indique, elle viendrait du Bigorre, et se serait établie dans la région de Lubersac au cours du XIVème siècle. La famille possédait de nombreuses terres et occupait les charges de judicature dans la châtellenie de Bré. Les armoiries de cette famille étaient : de sinople à trois pals d’argent. Un des membres de la famille figure d’ailleurs dans l’Armorial général de France de 1696.
Le Bulletin de la Société scientifique, historique et archéologique de la Corrèze a publié le livre-journal de Pierre Bigorie, juge de Bré en 1688. Cet ouvrage nous apprend que la justice de la baronnie de Bré était établie à Lubersac, mais ne donne pas beaucoup plus d’éléments sur la famille de Bigorie.
Pour en apprendre plus, je me suis reportée au Dictionnaire des familles nobles et notables de Corrèze, par J.-B. Champeval.
Cet ouvrage retrace la généalogie de la famille de Bigorie de Lubersac sur quelques générations. Il y est indiqué que Pierre de Bigorie, juge de Bré, teste en 1696. Il mentionne alors ses enfants, dont Jeanne de Bigorie. L’ouvrage indique qu’elle est « femme de Raymond Brandy, de Peyrac (Lubersac) ». Ce couple Jeanne de Bigorie & Raymond Brandy pourrait bien être le couple dont j’avais trouvé l’acte de mariage. Cependant, sans élément supplémentaire, rien ne permet de l’affirmer. Il faut donc considérer qu’il s’agit d’une Jeanne de Bigorie n°3 et d’un Raymond Brandy n°2 (!).
Un détail à éclaircir…
La généalogie est comme une enquête : il faut parfois repasser plusieurs fois devant un détail qui semble insignifiant, avant de s’apercevoir que c’est peut-être là que se tient la clé de l’énigme. Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive et cela s’est reproduit ici aussi.
Dans le texte de J.-B. Champeval, Raymond Brandy est dit « de Peyrac (Lubersac) ». Ce nom de domaine n’avait pas attiré mon attention aux premiers abords, et pourtant … il ressemble à s’y méprendre au nom du domaine de Guillaume de Josselin (défunt mari de Jeanne de Bigorie) : le domaine de Peyrat.
Bien sûr, il y a une lettre de différence, mais les confusions entre un t ou un c final semblent fréquentes si l’on en croit l’extrait de l’Armorial de France (un peu plus haut dans cet article) : Lubersac y est écrit Lubersat. De plus, je n’ai pas trouvé de domaine nommé Peyrac sur la commune de Lubersac.
S’il s’agit bien du même domaine, il est possible que Raymond Brandy l’ait acheté à Guillaume de Josselin. Mais il se peut aussi qu’il ait obtenu ce domaine en se remariant à la veuve de ce dernier. Et dans ce cas (probable), Jeanne de Bigorie n°3 serait Jeanne de Bigorie n°1 !
Si cette hypothèse s’avère correcte, je pourrai en déduire l’ascendance de mon ancêtre puisque l’ascendance de Jeanne de Bigorie n°3 est connue sur 5 générations (pour sa lignée patronymique). Mes recherches se concluent donc (pour le moment) sur cette hypothèse : mon ancêtre Jeanne de Bigorie est probablement la fille de Pierre de Bigorie, juge de Bré. Mais cela reste à confirmer !
Elise