Histoire familiale : aller au-delà des 100 mots

« 100 mots pour une vie » c’est le nom du généathème du mois d’octobre, proposé par Sophie, et qui consiste à raconter, en 100 mots, l’histoire de l’un de nos ancêtres. Ces petites biographies en 100 mots constituent l’amorce parfaite d’une histoire dont on aimerait découvrir les détails.

« 100 mots pour une vie » c’est aussi ainsi que l’on pourrait décrire la nécrologie qu’a consacré le Journal de la Marne à mon arrière-arrière-grand-père en octobre 1929. Sa nécrologie fait, en effet, très exactement 100 mots. Et la lecture de cette nécrologie a suscité en moi le même effet que la lecture de ces courtes biographies : l’envie d’en savoir plus, l’envie de dérouler chaque phrase afin de savoir ce qu’il y a derrière.

Remarque   Pour écrire simplement l'histoire d'un ancêtre, le mieux est de commencer par télécharger le guide  26 questions pour raconter la vie d’un ancêtre  en cliquant ici.

C’est donc ce que j’ai décidé de faire : partir de chaque phrase de cette nécrologie en 100 mots pour raconter l’histoire de mon arrière-arrière-grand-père, ou du moins ce que j’en sais, jusqu’ici.

Nécrologie d'Edouard Ernest MEA dans le Journal de la Marne - Octobre 1929

Nécrologie d’Edouard Ernest MEA dans le Journal de la Marne – Octobre 1929

AVIZE
Nécrologie – Nous apprenons le décès de M. Méa, à l’âge de 61 ans.
Il avait été, en 1925, frappé dans ses affections les plus chères, son fils en janvier, sa fille en avril, lui avaient été enlevés à trente ans à peine, après de pénibles souffrances.
Travaillant depuis 25 ans au service de la Maison Pommery et Greno, il a laissé aux directeur et maîtres vignerons le souvenir d’un bon serviteur, ponctuel et travailleur ; à ses camarades celui d’un ami bon et serviable et honnête.
Nous prions sa veuve, ses enfants, la maison Pommery, d’agréer nos condoléances émues.

« Nous apprenons le décès de M. Méa, à l’âge de 61 ans. »

M. Méa, de son prénom Edouard Ernest, était mon arrière-arrière-grand-père. Il s’est éteint, chez lui, à Avize le 18 octobre 1929.

Il est né dans le petit village de Tauxières, sur les flancs de la Montagne de Reims, 61 ans plus tôt, par une froide et belle journée de février 1868 (1). Ses parents sont cultivateurs à Tauxières, comme leurs parents avant eux. Avant la naissance d’Edouard Ernest, ils ont donné naissance à deux fils, mais le second est décédé à l’âge de 9 mois. La naissance d’Edouard Ernest est donc accueillie par son grand frère Edmond Alexandre qui a alors 5 ans. Dix ans plus tard, ils accueillent tous les deux une petite sœur prénommée Jeanne Eugénie.

Pendant l’enfance d’Edouard Ernest, l’instruction publique n’est pas encore obligatoire, la loi Jules Ferry n’ayant pas encore été adoptée. Toutefois, Edouard Ernest a reçu une instruction : il a appris à lire, écrire et compter (2).

En 1894, il épouse Clotilde Pélagie Gélot, une jeune fille du village, âgée de 2 ans de moins que lui. Un an plus tard, leur première fille, mon arrière-grand-mère Marthe, naît à Louvois, commune voisine de Tauxières. Leur unique fils, Victor Martial, naît 3 ans plus tard, le 9 octobre 1898.

Edouard et Clotilde s’installent ensuite à Avize, où ils donnent naissance à trois filles : Léone Ernestine en 1903, Germaine Valentine en 1909, et une petite dernière qui décède à sa naissance en 1912. C’est la première perte qui vient entacher la tranquillité de la famille d’Edouard. Ce ne sera malheureusement pas la dernière.

« Il avait été, en 1925, frappé dans ses affections les plus chères, son fils en janvier, sa fille en avril, lui avaient été enlevés à trente ans à peine, après de pénibles souffrances. »

En 1925, en effet, Edouard et Clotilde perdent coup sur coup leur unique fils Victor Martial, en janvier, et leur fille Léone Ernestine, en avril. La Première Guerre Mondiale qui est passée par là n’y est pas totalement étrangère.

En 1888, au moment de sa conscription, Edouard Ernest avait été exempté du service militaire, son frère Edmond Alexandre étant déjà sous les drapeaux (2). Mais il avait tout de même des obligations militaires : après une période dans la réserve de l’armée active, puis dans l’armée territoriale, il avait été affecté à la réserve de l’armée territoriale dans laquelle il devait rester jusqu’au 1er septembre 1914. A cette date, il devait être libéré de toutes obligations militaires.

Mais la mobilisation générale est décrétée le 1er août 1914 : il doit rejoindre son régiment à Reims. Edouard a alors 46 ans et il s’en est donc fallu d’un mois pour qu’il ne soit pas mobilisé. Faisant partie des soldats les plus âgés, Edouard est affecté au 46ème Régiment d’Infanterie Territoriale, dont les soldats sont généralement surnommés les « Pépères ». De ce fait, il ne fait pas partie des régiments qui partent au front, mais de ceux qui assurent la logistique à l’arrière.

Edouard Ernest est affecté au service de la Garde des Voies de Communications (GVC). La mission des GVC est de surveiller toutes les infrastructures stratégiques pour la guerre, en particulier les voies de chemin de fer et les lignes de télégraphes. Les soldats affectés aux GVC se retrouvent donc généralement en poste dans une gare de leur région.

La mobilisation d’Edouard est d’assez courte durée : en janvier 1915, il est renvoyé dans ses foyers et peut rejoindre sa famille à Avize. Il n’est pas encore libéré de ses obligations militaires, mais il ne sera pas rappelé.

En mai 1917, Victor, le fils unique d’Edouard et de Clotilde, âgé de 18 ans et demi, est mobilisé à son tour. Il doit rejoindre son régiment le 5 mai. Un an plus tard, dans la nuit du 7 au 8 août 1918, son régiment est bombardé par des obus toxiques. Suite à ces bombardements, près de 200 soldats sont évacués comme intoxiqués par ypérite (3). Victor est parmi eux.

Deux mois plus tard, Victor retourne au front et y reste jusqu’à la fin de la guerre. Mais il ne s’est jamais remis de son intoxication : en 1923, la Commission de Châlons le réforme définitivement pour bacillose pulmonaire, laryngite bacillaire, raucité de la voix et dysphagie (4).

Il décède le 14 janvier 1925, chez ses parents à Avize, à l’âge de 26 ans.

Trois mois plus tard, c’est sa sœur Léone Ernestine qui décède à l’âge de seulement 21 ans (et non 30 comme le dit la nécrologie).

« Travaillant depuis 25 ans au service de la Maison Pommery et Greno, il a laissé aux directeur et maîtres vignerons le souvenir d’un bon serviteur, ponctuel et travailleur ; à ses camarades celui d’un ami bon et serviable et honnête. »

En 1901, alors qu’ils habitent encore à Tauxières, Edouard Ernest et Clotilde sont ouvriers vignerons pour la Maison Chandon et cie (l’une des plus vieilles maisons de Champagne, plus connue de nos jours sous le nom de Moët et Chandon). C’est certainement au moment de leur déménagement pour Avize, en 1903, qu’Edouard Ernest commence à travailler pour la maison Pommery et Greno.

La maison Pommery et Greno, fondée en 1856, fait partie des grandes maisons de Champagne. Une partie de ses vignobles se trouve sur le territoire d’Avize, et depuis 1898, la maison a fait construire à Avize un vendangeoir destiné à accueillir les récoltes et le pressoir (5).

Vendangeoir de la Maison Pommery à Avize

Vendangeoir de la Maison Pommery à Avize

Chaque année, la commune d’Avize connait un pic d’activité au moment des vendanges : pendant cette période, tout le monde travaille dans les vignes et dans les pressoirs, et de nombreux travailleurs saisonniers affluent dans le village.

Edouard Ernest, pour sa part, n’est pas saisonnier et travaille à l’année pour la maison Pommery. Sûrement s’occupe-t-il de l’entretien des vignes. Toutefois, malgré ses longues années au service de la Maison Pommery et Greno, et la reconnaissance de ses chefs, Edouard Ernest semble n’avoir jamais occupé un poste élevé dans la hiérarchie.

En octobre 1929, après un bel été, les vendanges sont bonnes : le raisin est abondant et on trouve même à Avize des grappes de raisin qui sont aussitôt qualifiées de « phénomènes » pesant 430 et 375 grammes. A peine quelques jours plus tard, on trouve à Avize, la grappe « la plus lourde du canton », battant les records précédents avec ses 520 grammes (6).

Ce sont les dernières vendanges auxquelles assiste Edouard Ernest. Le 18 octobre au matin, il décède dans sa maison de l’Impasse Gillot à Avize. Son décès est déclaré quelques heures plus tard à la mairie par son gendre, mon arrière-grand-père Georges, qui réside alors à Avize.

« Nous prions sa veuve, ses enfants, la maison Pommery, d’agréer nos condoléances émues. »

Au décès d’Edouard Ernest, sa plus jeune fille, Lucienne, qui est née après la guerre, a tout juste 11 ans. Ses deux autres filles, Marthe et Germaine, plus âgées, sont mariées et ont commencé à fonder une famille. Marthe, l’aînée, a épousé mon arrière-grand-père Georges en 1917 et Germaine est mariée depuis un peu moins d’un an.

La perte de leur père, après avoir perdu un frère et une sœur en si peu de temps, a dû être pour les trois filles, et pour leur mère, un moment bien difficile.

Clotilde, qui a alors 59 ans, reste vivre à Avize, où elle s’éteint à son tour en novembre 1953.

C’est la fin de ce récit. Pour vous lancer dans l’écriture de l’histoire de vos ancêtres, vous pouvez télécharger le livret PDF  26 étapes pour raconter la vie d’un ancêtre  en cliquant ici.

Elise

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