Retrouver un soldat prisonnier de la Première Guerre Mondiale

Nous allons voir un exemple de recherches sur un soldat qui a été fait prisonnier durant la Première Guerre Mondiale.

Quand j’étais petite, ma grand-mère m’a montré une photo de son père quand il était jeune. C’était une photographie d’un groupe de soldats et elle m’a dit que son père était alors prisonnier en Allemagne :

Mon arrière-grand-père pendant sa captivité en Allemagne (Première Guerre Mondiale)

Mon arrière-grand-père pendant sa captivité en Allemagne (Première Guerre Mondiale)

Plus tard, lorsque j’ai commencé la généalogie, et que j’ai démarré mes recherches sur mes ancêtres soldats durant la guerre de 14-18, je me suis rappelée cette photographie.

Ma grand-mère étant décédée entre temps, j’ai demandé à mon père s’il se rappelait d’informations sur la captivité de son grand-père.

Cependant, mon père n’avait pas d’informations à ce sujet. Pour tout dire, il doutait très fortement que son grand-père ait été prisonnier durant la guerre, car il n’en avait jamais entendu parler.

J’ai alors pensé que j’avais peut-être mal compris ce que ma grand-mère m’avait dit : au fond, ça n’aurait pas été si surprenant, car j’étais vraiment petite alors.

J’ai donc entrepris des recherches dans les archives militaires, afin de savoir ce que mon arrière-grand-père Emile Blanchard avait fait durant la Première Guerre Mondiale.

Le parcours de mon arrière-grand-père dans la Première Guerre Mondiale

Lorsque la Grande Guerre est déclarée, Emile Blanchard a 26 ans. Il est rappelé à l’activité le 2 août, et rejoint le 366e Régiment d’Infanterie. Pendant les premiers mois de la guerre, lui et son régiment prennent part à de nombreux combats, autour de Verdun, en particulier dans la Woëvre.

Remarque   Pour retracer le parcours militaire de vos ancêtres, le mieux est de commencer par télécharger le livret  Comment retrouver une fiche matricule militaire.

A partir de février 1916, le 366e Régiment d’Infanterie participe à la défense du secteur de Fresnes en Woëvre.

Le 7 mars 1916, après de violents bombardements, le village est repris par les troupes allemandes.

Ce jour-là, le Journal des Marches et Opérations de son régiment fait état de 578 soldats ou officiers portés disparus. Mon arrière-grand-père est parmi eux.

Extrait du Journal des Marches et Opérations de son régiment (source : Mémoire des Hommes / SHD)

Extrait du Journal des Marches et Opérations de son régiment (source : Mémoire des Hommes / SHD)

Beaucoup de ces soldats sont en fait tombés aux mains de l’ennemi et ont été emmenés comme prisonniers.

Emile Raoul Blanchard fait partie d’un convoi de soldats évacués du front le lendemain, en direction de l’Allemagne.

Extrait des listes de prisonniers emmenés au camp de Hammelburg (source : CICR)

Extrait des listes de prisonniers emmenés au camp de Hammelburg (source : CICR)

C’est donc dans le camp de Hammelburg que mon arrière-grand-père passe le reste de la guerre.

La vie dans le camp de prisonniers de Hammelburg

Le camp de Hammelburg se trouvait en Bavière, non loin de la commune du même nom. Il hébergeait environ 5000 prisonniers français mais aussi anglais, russes et italiens.

Vue générale du camp de Hammelburg

Vue générale du camp de Hammelburg

Comme la plupart des camps, il était composé de baraques en bois dans lesquelles dormaient les prisonniers. Les conditions de vie des prisonniers y étaient assez difficiles : les paillasses étaient sales et rarement changées, la nourriture insuffisante, etc. Ces conditions faisaient que les épidémies (de typhus, variole ou choléra) étaient fréquentes dans les camps.

Les prisonniers ne restaient toutefois pas dans le camp en continu. En effet, ils étaient affectés à des détachements de travail qui étaient envoyés dans les usines d’armement ou dans les champs.

Comme les autres prisonniers du camp, mon arrière-grand-père a donc été amené à travailler à l’extérieur du camp. Et c’est sûrement lors de ces travaux à l’extérieur qu’a été prise cette autre photographie retrouvée dans les photographies de famille.

Mon arrière-grand-père lorsqu’il était prisonnier à Hammelburg

Mon arrière-grand-père lorsqu’il était prisonnier à Hammelburg

Le moral des prisonniers

En dehors des périodes de travail, le plus grand ennemi des prisonniers était certainement la mélancolie de se retrouver loin des leurs et loin du front. Dans les camps, les prisonniers s’organisaient pour mettre en place des activités dont le but est de « chasser le cafard ».

Ainsi à Hammelburg, un journal (« L’Exilé ») a été mis en place afin de communiquer sur les activités offertes aux prisonniers, et offrir une tribune à ceux qui souhaitaient prendre la plume.

Bien sûr, ces journaux de camp étaient soumis à la censure, mais ils restent un témoignage exceptionnel pour connaître les préoccupations et les loisirs des prisonniers.

L'Exilé, journal des prisonniers du camp de Hammelburg (source : Gallica / BNF)

L’Exilé, journal des prisonniers du camp de Hammelburg (source : Gallica / BNF)

Ainsi, à Hammelburg, des compétitions sportives (tournois de football, etc.) et des concours de confection d’objets, étaient organisés.

Dans certains camps on montait aussi des représentations théâtrales. Mais le théâtre de Hammelburg semble avoir fermé à l’été 1916 peu de temps après l’arrivée de mon arrière-grand-père dans le camp. Il n’en a donc probablement pas beaucoup profité.

De l’Armistice à la démobilisation

Le 11 novembre 1918, les clauses de l’Armistice prévoient la libération immédiate des prisonniers de guerre.

Beaucoup de soldats prisonniers sont donc de retour en France entre novembre et décembre 1918. pour sa part, mon arrière-grand-père est rapatrié le 26 décembre 1918.

Cependant, ce n’est pas encore la fin de la guerre : les soldats continuent d’être mobilisés de longs mois après l’Armistice du 11 novembre.

Il n’est toutefois pas encore démobilisé : après un court congé, il doit rejoindre son régiment et n’est démobilisé définitivement que le 10 juillet 1919. Il se retire alors à Fleury sur Aire où il reprend son travail comme fromager.

Suite à sa participation à la guerre, mon arrière-grand-père a reçu la Médaille interalliée de la Victoire, une des rares médailles commémoratives de la Grande Guerre auxquelles les prisonniers ont eu droit.

En effet, à leur retour de captivité les anciens prisonniers n’ont souvent pas eu droit aux mêmes honneurs que ceux qui revenaient du front.

La médaille interalliée était initialement réservée aux soldats ayant passé au moins 3 mois au front. De ce fait, tous ceux qui avait été faits prisonniers dès les premiers mois de la guerre en étaient privés (mais l’attribution de la médaille a été étendue en 1926).

(De même, ce n’est qu’en 1922 que les soldats décédés dans les camps de prisonniers ont eu droit à la mention « Mort pour la France »).

Mon arrière-grand-père a donc bien passé deux des quatre années de la guerre comme prisonnier en Allemagne.

Il semble cependant qu’il n’ait jamais trop parlé de sa période de captivité autour de lui. Peut-être était-il gêné d’avoir été prisonnier alors que d’autres étaient morts au combat pendant ce temps.

Elise


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