Parcours d’une ancêtre venue de Flandre
Parmi les parcours de mes ancêtres, celui de Jeanne Thérèse Depuydt est l’un de ceux qui a retenu mon attention. En effet, elle a longtemps été l’une de mes épines généalogiques. J’avais retrouvé la trace de son décès et des naissances de ses filles en Normandie, mais je ne savais rien de ses origines. Puis, il y a quelques années, grâce à la mise en ligne des Archives de Belgique, j’ai pu retrouver son acte de mariage et découvrir qu’elle était originaire de Flandre.
Quitter les Flandres pour la Normandie a dû représenter un changement considérable pour elle. J’ai donc cherché à reconstituer son histoire et à comprendre ce qu’a pu être sa vie, à commencer par son enfance.
Une enfance flamande
Jeanne Thérèse Depuydt nait le 11 avril 1750 à Beveren aan den Ijzer, une commune située dans l’actuelle province de Flandre-Occidentale, près de la frontière française. Elle est la troisième des 10 enfants de Jean Baptiste Depuydt et Jeanne Thérèse Trakoen (et leur première fille).
Les parents de Jeanne Thérèse Depuydt sont tous les deux flamands : sa mère est également originaire de Beveren, mais son père vient de Wijtschate, une commune éloignée de près de 30 km de Beveren, au sud d’Ypres. Ces deux paroisses appartiennent au Comté de Flandre, qui fait alors parti des Pays-Bas autrichiens.
Jeanne Thérèse Depuydt et sa famille parlent donc certainement flamand.
Après quelques années à Beveren, la famille Depuydt s’installe à Roesbrugge-Haringe, à quelques kilomètres de là, le long de la frontière avec le Royaume de France.
A la naissance de Jeanne Thérèse, les Pays-Bas autrichiens sortent de la guerre de succession d’Autriche pendant laquelle ils ont été occupés par la France (de 1744 à 1748). Toutefois, l’enfance de Jeanne Thérèse se déroule pendant une période plutôt paisible, sous le règne de Marie Thérèse d’Autriche. C’est également une période de redressement économique pour les Pays-Bas autrichiens, après les pertes subies pendant les guerres.
Je n’ai pas retrouvé de mention des professions de ses parents, mais la famille semble être de condition assez pauvre, et ils sont certainement peu instruits. En effet, dans les différents actes concernant les membres de la famille, ceux-ci ne savent généralement pas signer. Jeanne Thérèse n’a donc vraisemblablement jamais reçu d’instruction ou appris à écrire.
Vers 1770, la famille Depuydt part s’installer à Wijtschate, la commune d’origine de Jean Baptiste Depuydt.
Un mariage in extremis
C’est donc probablement à Wijtschate que Jeanne Thérèse Depuydt, alors âgée d’une vingtaine d’années, rencontre son futur mari, Pierre Hague. Toutefois, les conditions dans lesquelles ils se sont rencontrés restent un mystère.
En effet, celui-ci est originaire de Saint Arnoult, un petit village proche de Caudebec-en-Caux, dans les boucles de la Seine, et éloigné de plus de 200 km de Wijtschate. Est-ce son travail comme bûcheron qui l’a mené dans les Flandres ? Les métiers du bois amenaient souvent les travailleurs à se déplacer sur de nombreux kilomètres. Mais je n’ai pas trouvé de preuves dans le cas de Pierre Hague.
Jeanne Thérèse Depuydt et Pierre Hague se marient donc le 28 février 1775 à Wijtschate.
Pour se marier, ils obtiennent une dispense de publication de deux bans (sur les trois normalement prévus). Ce type de dispense est assez courant dans le cas de mariages « urgents ». Ce qui semble être le cas ici. En effet, leur premier enfant nait le 1er mars 1775, à midi, soit le lendemain même de leur mariage !
Après leur mariage et la naissance de leur fils, Jeanne Thérèse Depuydt suit son mari pour s’installer avec lui à Saint Arnoult. Je ne sais toutefois pas à quel moment ils sont partis. Peut-être ont-ils attendu un peu, car c’était un voyage particulièrement long à effectuer avec un bébé.
Pour effectuer le voyage vers Saint Arnoult, il faut en effet environ 50 heures de marche, soit plus de 6 jours de marche, à raison de 8h par jour.
Quoi qu’il en soit, leur fils a survécu à ce long voyage, car j’ai retrouvé sa trace en Normandie quelques années plus tard. Et deux ans plus tard, en mars 1777, ils sont bien installés en Normandie, où nait leur deuxième enfant, une fille.
Ils donnent ensuite naissance à 3 autres filles, avant que Pierre Hague ne décède en 1785. Jeanne Thérèse se retrouve ainsi seule, avec 4 enfants à charge, loin de son village natal et de sa famille.
Le devenir de sa famille en Flandre
J’ai également cherché à savoir ce qu’étaient devenus les membres de sa famille suite à son départ pour la Normandie, en particulier pour savoir quand étaient décédés ses parents.
Grâce à l’acte de mariage de l’une de ses sœurs, j’ai pu retrouver des informations sur le décès de leurs parents. En effet, l’acte (en latin) mentionne que leur mère est décédée à « Wasteni », donc probablement à Waasten, qui est le nom néerlandais de la commune de Warneton.
Les index des sépultures de cette commune Warneton confirment effectivement cette information.
Jeanne T(r)acoen, veuve de Jean Baptiste Depuydt, y serait décédée en avril 1782 (le 10 ou le 20 ?). Malheureusement, les registres paroissiaux de Warneton sont lacunaires pour l’année 1782, et ne m’ont donc pas permis de retrouver l’acte lui-même.
Il semblerait que son mari soit alors déjà décédé puisqu’elle est indiquée veuve (We) et non femme (Vr). Et l’acte de mariage de leur fille, en 1785, indique que celui-ci est décédé à Wijtschate. Il serait donc décédé dans cette commune avant 1782. Toutefois, je n’ai pas retrouvé la trace de son acte de sépulture dans les registres de Wijtschate. Il faudra donc que j’étende la recherche aux paroisses environnantes.
Compte tenu des moyens de communication de l’époque et de l’illettrisme, Jeanne Thérèse Depuydt n’a certainement pas pu garder contact avec sa famille et n’a donc jamais su ce que ses parents et frères et sœurs étaient devenus. A part elle, tous semblent être en effet restés en Flandre ou dans les environs.
Elise