Vie d’un Invisible : Jean CANTAT, métayer de l’Allier
Jean CANTAT naît en juillet 1811 à Chapeau, dans l’Allier. Il est le fils de Pierre CANTAT et de Thérèse GRANGER. Il est le deuxième né de la famille, mais sa sœur Marguerite née un an plus tôt est décédée à l’âge de deux mois. Après lui, viendront 4 frères et sœurs qui mourront également en bas-âge (entre l’âge de quelques jours et un an). Il restera donc le seul enfant de sa famille.
Au moment de sa naissance, la famille de Jean vit au lieu-dit les Voisins à Chapeau. Ils y vivent apparemment avec les grands-parents maternels de Jean qui vivaient déjà là avant le mariage de leur fille.
Le père de Jean est laboureur et métayer, tout comme la plupart des membres de sa famille. Il n’est donc pas propriétaire des terres qu’il cultive, de son logement, ni même de son matériel ou de ses animaux. Tout cela appartient au propriétaire du domaine dont il laboure les terres et avec lequel il partage en fin d’année l’argent issu des récoltes et des ventes d’animaux.
Pendant toute l’enfance de Jean, ses parents et lui vivent avec une partie de sa famille maternelle, la famille GRANGER : sa grand-mère maternelle avec son second mari, ainsi que ses oncles Hilaire et Philippe GRANGER.
Bien qu’elles connaissent quelques déménagements, les deux familles restent unies. En effet, vers 1813, les familles CANTAT et GRANGER partent s’installer aux Minards, toujours dans la commune de Chapeau. Elles y restent au moins jusqu’en 1824. Après quelques années dans un autre domaine, aux Girauds, elles retournent vivre aux Voisins, où elles vivaient déjà au moment de la naissance de Jean.
Jean n’a jamais appris à écrire, tout comme ses parents et grands-parents. A cette époque, dans l’Allier, les enfants des métayers n’avaient pas l’occasion d’aller à l’école : dès l’âge de six ou sept ans, les enfants commençaient à garder les troupeaux et à participer aux travaux de la ferme. Comme Jean était le seul enfant de la famille, il a certainement beaucoup aidé son père aux travaux des champs, et ce dès son plus jeune âge.
En juin 1826, Thérèse, la mère de Jean, décède à l’Hôpital Saint Joseph de Moulins. Elle est alors âgée de 36 ans. Jean pour sa part va sur ses 15 ans.
Un an plus tard, son père, âgé de 38 ans, se remarie avec Marie LAUDUT, une jeune femme de 23 ans. Celle-ci n’est pas totalement étrangère à la famille (elle est la sœur de la femme d’Hilaire GRANGER, l’oncle maternel de Jean). Jean, alors âgé de 16 ans, continue à vivre chez son père, tout en contribuant très probablement au labourage des champs ou au battage des foins.
En novembre 1832, Jean, qui vient d’avoir 21 ans, se marie avec Marie MALLERET, une jeune femme de 19 ans originaire de Neuilly-le-Réal. Celle-ci vit depuis quelques temps avec sa mère à Chapeau. Elle aussi est issue d’une famille de laboureurs : son père, décédé 12 ans plus tôt en 1820, était laboureur, et le second mari de sa mère l’est également.
Suite à leur mariage, le jeune couple s’établit aux Voisins avec le père de Jean, sa seconde épouse et leurs enfants. Quelques années plus tard, les deux familles partent vivre au domaine du Puyet, ancien fief situé au Nord du bourg de Chapeau, en bordure de forêt. Depuis 1823, ce domaine appartient à une riche famille locale, la famille Tortel. Les deux familles y vivent donc toujours sous le régime du métayage.
Pendant leur vie commune aux Voisins et au domaine du Puyet, Jean et Marie donnent naissance à 3 enfants : Antoinette, Claude et Marie. Les enfants de Jean grandissent pendant leurs premières années avec leurs oncles et tantes. En effet, pendant ce temps, son père et sa belle-mère donnent naissance à 5 enfants.
La maisonnée s’agrandit donc fortement en quelques années (de 1826 à 1840, la famille passe de 2 à 12 individus), et c’est peut-être pour cette raison que vers 1840 les deux familles se séparent. Jean, Marie et leurs enfants quittent le territoire de la commune de Chapeau pour aller s’installer aux Loges Maumiers dans la commune voisine de Thiel. Pendant ce temps, son père et sa famille partent vivre aux Perrots, domaine de la commune de Mercy.
Pour Jean et Marie, la vie a dû prendre à ce moment une toute autre allure. En effet, depuis le début de leur vie commune, et même depuis le début de la vie de Jean, ils avaient toujours vécu dans des domaines, sur de grandes exploitations, et toujours entourés de leur famille proche.
A partir de ce moment, ils se retrouvent non seulement éloignés géographiquement de leur famille, mais leur mode de vie change également. Ils habitent désormais dans une locaterie, ferme composée d’un seul bâtiment réunissant les hommes et les animaux sous le même toit, et isolée sur son exploitation. Ces maisons étaient généralement construites toute en longueur et constituées d’une habitation avec peu de pièces, d’une étable et d’une grange pour le stockage des récoltes.
Lors de leur vie aux Loges Maumiers, Jean et Marie donnent encore naissance à 4 enfants, dont un qui meurt en bas-âge. Le plus jeune de ces enfants qui naît en mars 1853 est mon ancêtre, prénommé comme son père.
Au début de leur vie aux Loges Maumiers vers 1840, Jean est locataire, mais dès 1843 il est mentionné comme propriétaire. Ce changement de situation augure donc d’un nouveau changement de mode de vie pour la famille. Ils n’ont ainsi plus à répondre à un propriétaire et peuvent cultiver leurs terres et élever leurs animaux comme bon leur semble. La famille profite ainsi d’une certaine liberté qu’ils n’ont encore jamais connue. Néanmoins, cette exploitation ne semble pas suffisante pour leur permettre de gagner correctement leur vie car Jean est encore régulièrement mentionné comme journalier.
En effet, les locateries étant situées sur des petites exploitations agricoles, il n’y avait pas du travail toute l’année : leurs habitants (qu’ils soient locataires ou propriétaires) étaient souvent obligés de compléter leurs revenus en travaillant dans les fermes voisines.
Malheureusement, cette nouvelle liberté sera de courte durée et ne profitera pas à leurs enfants. En effet, Jean CANTAT meurt à 49 ans en mars 1860 à Thiel, la veille des 7 ans de son plus jeune fils.
Suite à son décès, Marie, sa veuve, demeure quelques temps dans leur locaterie des Loges Maumiers dont elle reste propriétaire. D’après les recensements de 1861, elle y vit avec deux de ses fils âgés de 18 et 8 ans et sa fille Antoinette âgée de 10 ans. Cependant, tenir l’exploitation est sûrement difficile pour eux car quelques temps plus tard, ils partent vivre aux Alissants, dans la commune de Mercy, où ils ne sont plus propriétaires. A partir de ce moment, et jusqu’à son décès quelques années plus tard, Marie devient en effet journalière.
Il se peut aussi que la famille n’ait pas été épargnée par les terribles orages de grêle qui touchent 82 communes de l’Allier (et bien d’autres en France) à la fin du mois de juin 1861. Les pertes occasionnées par ces orages dans les environs de Moulins sont en effet énormes : les récoltes sont ruinées et de nombreuses maisons et toitures sont à reconstruire…
Marie meurt à l’âge de 52 ans, en novembre 1865. Son plus jeune fils n’a alors que 12 ans et est obligé de se faire embaucher comme domestique. Il sera ainsi domestique de domaine en domaine jusqu’à ce qu’il fonde lui-même une famille à l’âge de 35 ans.
C’est la fin de ce récit. Si tout cela vous a intéressé, j’explique les ressources et les méthodes que j’ai utilisées pour écrire ce récit dans l’article 3 étapes pour raconter la vie d’un ancêtre invisible.
Elise