Raconter la vie d’une ancêtre Invisible : Sophie MARTIN
Sophie Martin nait un matin de juin 1854, dans la commune de Gironville sous les Côtes, près de Commercy dans la Meuse. Sa naissance est déclarée le lendemain par son père et deux amis.
A la naissance de Sophie, son père est déjà âgé puisqu’il a presque 50 ans. Sa mère, pour sa part, est nettement plus jeune : elle n’a alors pas encore 26 ans.
Il s’agit en effet du second mariage de son père. Sa première épouse est décédée en novembre 1851 à Euville, où il vivait alors, et il s’est remarié avec Françoise Commion à peine quelques mois plus tard, en mars 1852.
Sophie est la seconde fille de Benoit Martin et de Françoise Commion. Sa sœur aînée, Marie Reine, est née 2 ans plus tôt, à peine 20 jours après le mariage de leurs parents.
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Sophie passe toute son enfance à Gironville avec ses parents et sa sœur. Ils vivent dans une petite maison située juste derrière l’église paroissiale.
La maison de la famille Martin semble être assez petite. Selon l’inventaire après décès de son père, elle est constituée d’une unique pièce de vie, servant à la fois de cuisine et de chambre, et dans laquelle se trouvent deux lits, une armoire, une horloge, …
En plus de cette pièce de vie, la maison comprend une remise où se trouve une table et divers outils. C’est aussi dans cette remise que la famille garde quelques animaux (un petit cochon au moment de l’inventaire). La famille possède également un petit jardin situé quelques parcelles plus loin.
Benoît Martin, le père de Sophie, est manœuvre, tandis que sa mère est qualifiée de vigneronne sur différents documents. Ils possèdent en effet quelques terres à Gironville, dont quatre parcelles de vignes.
Peut-être cultivent ils également du lin ou du chanvre que Françoise Commion ou ses filles filent ensuite (si l’on en croit la présence d’un tour à filer et d’un métier à broder dans l’inventaire). Toute la famille vit donc probablement de ces différentes cultures.
Sophie n’a vraisemblablement connu qu’un seul de ses grands-parents : son grand-père maternel, qui vivait dans une petite maison non loin de l’église. Il décède en 1868, lorsque Sophie a 14 ans.
Comme ses parents, son grand-père vit des cultures qu’il possède : plusieurs parcelles de vignes, des chènevières et d’autres cultures. Il possède également, en contrebas du village, une petite parcelle de routoir : une zone d’eau stagnante où l’on faisait macérer les plantes textiles comme le chanvre ou le lin, avant de les travailler. La famille de Sophie profite donc peut-être de ce routoir pour travailler les textiles qu’ils cultivent et filent.
Pendant l’enfance de Sophie, l’instruction n’est pas encore obligatoire. Toutefois, elle et sa sœur semblent avoir été à l’école, contrairement à leurs parents qui ont des signatures plutôt maladroites.
La signature de Sophie montre en effet une écriture simple mais soignée, avec des lettres bien formées telles qu’elle aurait pu les apprendre à l’école.
Sophie fréquente donc certainement l’école du village. Celle-ci se trouve alors, soit devant l’église, soit déjà au centre du village comme on peut la voir sur des cartes postales du début du 20ème siècle.
Sophie a 16 ans lorsque la guerre franco-prussienne éclate, à l’été 1870. Gironville se trouve alors assez près des zones de combats. Par ailleurs, Commercy est une ville de garnison qui accueille plusieurs régiments. Sophie et sa famille ont donc sûrement vu passer de nombreuses troupes, françaises et allemandes, pendant cette période.
En effet, en août 1870, les troupes prussiennes entrent dans Commercy et occupent ses casernes.
Même si les troupes allemandes n’occupent pas les villages, des soldats sont logés dans toute la ville de Commercy. Sophie croise donc inévitablement de nombreux soldats allemands lorsqu’elle se rend à Commercy, ou dans les villages environnants.
Les troupes allemandes quittent Commercy le 27 juillet 1873. La Meuse fait en effet partie des dernières zones libérées. Dès le lendemain, les troupes françaises reviennent et réinvestissent les casernes.
Le père de Sophie décède en mai 1874, alors qu’elle va avoir 20 ans. Sophie est donc encore mineure, contrairement à sa sœur qui a 22 ans. Un conseil de famille est donc réuni devant le juge de paix de Commercy pour lui nommer un subrogé tuteur. Sa mère reste sa tutrice naturelle, mais le subrogé tuteur doit s’assurer que ses droits seront respectés dans la succession de son père. C’est à Nicolas Gaillard, son oncle paternel par alliance, que revient ce rôle.
Le 9 juin 1874, un inventaire des biens de son père est dressé afin de régler la succession : Sophie et sa sœur sont les seules héritières. Elles héritent donc de la maison familiale, que leur père avait acquise avant son mariage. Leur mère en conserve toutefois la jouissance, conformément à leur contrat de mariage.
La mère de Sophie se remarie à peu près un an plus tard, en août 1875, avec Sébastien Franchot. Tous deux s’installent dans la maison de Gironville.
C’est vraisemblablement suite au décès de son père, ou au remariage de sa mère, que Sophie quitte la maison familiale pour travailler. Lors du recensement de 1876, elle travaille comme domestique chez un aubergiste du village, Edouard Defoug. L’auberge est alors sûrement très fréquentée. En effet, à partir de 1875, un fort est en construction au-dessus du village, dans le cadre des fortifications de Seré de Rivière.
Sophie part ensuite vivre à Commercy. Et c’est certainement en travaillant à Commercy qu’elle rencontre son futur mari.
En 1878, Sophie Martin travaille à Commercy, à quelques kilomètres de son village natal. C’est donc certainement là qu’elle rencontre son futur mari.
Eugène Emile Grandsire est tanneur et vit à Vignot (un village situé entre Commercy et Gironville). Il a alors 29 ans, soit 5 ans de plus que Sophie et est originaire de Rouen. Il s’est installé dans la région de Commercy suite à son service militaire.
En effet, à la fin de l’occupation prussienne, en 1873, son régiment est venu s’installer en garnison à Commercy. C’est là qu’il a rencontré sa première épouse, Delphine Philippe, qu’il a épousé dès la fin de son service. Mais celle-ci est décédée en 1876 après avoir donné naissance à une fille, elle aussi décédée. Eugène s’est donc retrouvé veuf à l’âge de 27 ans.
En décembre 1878, Sophie et Eugène font publier leurs bans de mariage à Vignot et à Gironville.
Leur mariage est célébré le 31 décembre 1878 à 10 heures du matin, dans la mairie de Gironville. Seule la mère de Sophie est présente, leurs autres parents étant décédés. Parmi les témoins se trouvent également le beau-père de Sophie, et son beau-frère (le mari de sa sœur).
La cérémonie civile est certainement suivie par une cérémonie religieuse dans l’église de Gironville. Peut-être les invités sont-ils ensuite conviés dans la maison de la famille Martin qui se trouve juste derrière.
Suite à leur mariage, Sophie s’installe à Vignot avec son mari. Leur premier enfant, une fille, nait un peu moins d’un an plus tard. Cette petite fille est baptisée Elina, sûrement en hommage à la première épouse d’Eugène (qui se prénommait Delphine mais figurait sous le prénom Elina dans les recensements).
Sophie donne ensuite naissance successivement, en 1881 et 1882, à deux enfants qui décèdent tous les deux au bout de quelques jours.
Les premières années de mariage de Sophie et Eugène se déroulent donc à Vignot. Sophie réalise divers travaux en tant que journalière, pendant qu’Eugène part travailler dans les tanneries.
Il n’y a effectivement pas de tanneries à Vignot même. Il travaille donc probablement dans les tanneries de Commercy. Celles-ci sont situées sur un bras de la Meuse assez proche de Vignot, ce qui le rend accessibles en une trentaine de minutes à pied.
En plus de son travail de journalière, Sophie a certainement beaucoup à faire pour sa famille. Et c’est certainement elle qui doit gérer les tâches administratives que le couple peut rencontrer. En effet, Eugène ne sait alors ni lire ni écrire, ni même signer (lors de son mariage il avait apposé une simple marque en bas de l’acte).
Sophie a peut-être même enseigné à son mari quelques rudiments d’écriture, puisque quelques années après leur mariage, celui-ci commence à signer. Mais son écriture reste néanmoins extrêmement maladroite.
En 1884 et 1886, Sophie donne naissance à deux petits garçons, Victor et Eugène, qui survivent et grandissent aux côtés de leur grande sœur.
Pendant cette période, Eugène et Sophie sont locataires dans la rue du Ruisseau (devenue rue de la République), l’une des rues principales de Vignot.
L’après-midi du dimanche 27 février 1887, deux adjudications se tiennent dans le café de Vignot. Sophie et Eugène y sont présents, avec 300 francs en poche. Lors de la première adjudication, ils font l’acquisition de deux petits terrains, pour la somme de 68 francs.
Lors de la seconde adjudication, ils font l’acquisition d’une petite maison pour la somme de 900 francs. N’ayant pas cette somme sur eux, ils payent comptant avec le reste des 300 francs qu’ils ont apporté et s’engagent à payer le reste au plus tôt.
La maison qu’ils acquièrent ce jour là est située dans la rue du Ruisseau, où ils vivent déjà. Elle se compose d’une chambre, d’une cuisine et d’un grenier. C’est donc cette maison qui verra naître leurs prochains enfants : en premier lieu, mon arrière-grand-mère Eugénie qui nait en mai 1891.
En mars 1892, la famille de Sophie est durement éprouvée : en l’espace de quelques semaines, celle-ci perd sa mère, son beau-père et son oncle maternel.
Sophie et sa sœur doivent donc gérer les formalités suite au décès de leur mère et de leur beau-père : en particulier la vente de la maison familiale de Gironville, qui se retrouve inoccupée. La succession de leur mère n’est complètement réglée que deux ans et demi plus tard.
Sophie et sa sœur conservent toutefois quelques terrains à Gironville bien qu’elles n’y habitent plus.
Suite à ces achats et successions, Sophie et Eugène se retrouvent donc propriétaires de plusieurs petites parcelles de terres et de vignes à Vignot et Gironville.
Les enfants d’Eugène et Sophie grandissent à Vignot, où ils fréquentent l’école communale. L’aînée, Elina, commence certainement à aider sa mère dans les tâches quotidiennes, en particulier lorsque celle-ci est enceinte.
En effet, en fin d’année 1892, Sophie donne naissance à un enfant qui se présente sans vie. Puis, deux ans plus tard, en novembre 1894, un petit dernier, Henri, vient agrandir la fratrie.
Mais à peine plus d’un an après la naissance d’Henri, l’équilibre familial s’écroule. Sophie, qui avait alors seulement 41 ans, décède le 22 janvier 1896 à 5 heures du soir.
Elle laisse son mari et 5 enfants, dont le plus jeune n’a même pas 18 mois. Elina, qui vient d’avoir 16 ans, joue donc certainement une part active dans l’éducation de ses plus jeunes frères et sœurs.
C’est la fin de ce récit. Pour vous lancer dans l’écriture de l’histoire de vos ancêtres, vous pouvez télécharger le livret PDF 26 étapes pour raconter la vie d’un ancêtre en cliquant ici.
Elise