Comment retrouver un ancien bagnard
Dans cet article, nous allons voir comment faire pour retrouver un ancien bagnard.
Table des matières
Les bagnes
Les bagnes étaient des prisons destinées aux personnes condamnées à des peines de travaux forcés, également appelées peines de fer (en référence au boulet attaché avec une chaîne en fer).
Les bagnards (ou forçats) servaient généralement de main d’œuvre pour des travaux construction ou de terrassement.
En France, les bagnes ont existé de 1748 à 1953, sous deux formes différentes :
- les bagnes portuaires,
- les bagnes coloniaux.
Les bagnes portuaires
Les premiers bagnes français étaient des bagnes portuaires. Ils ont été créés à partir de 1748, pour remplacer les galères qui étaient devenues inutiles dans les combats navals.
Au sein de ces bagnes, les prisonniers effectuaient donc des travaux dans les ports et les arsenaux de la Marine.
Les 3 principaux bagnes portuaires français étaient :
- le bagne de Toulon, de 1748 à 1873,
- le bagne de Brest, de 1749 à 1858,
- le bagne de Rochefort, de 1766 à 1854.
D’autres bagnes, moins importants, ont également existé durant le Premier Empire (de 1804 à 1814), notamment à Cherbourg, Le Havre, Lorient, Nice, etc.
Certains de ces bagnes étaient réservés aux condamnés militaires, ou encore, aux marins.
Les bagnes coloniaux
A partir de 1854, les bagnes portuaires ont été remplacés progressivement par les bagnes coloniaux :
- le bagne de Guyane, créé officiellement en 1854 et fermé en 1953,
- le bagne de Nouvelle-Calédonie, en activité de 1864 à 1924.
Remarque : durant la première moitié du 19ème siècle, il y avait déjà parfois des déportations vers la Guyane, même si le bagne de Guyane n’existait pas encore officiellement.
L’objectif des bagnes coloniaux n’était pas seulement d’éloigner les criminels de la métropole. Il s’agissait également de disposer de main d’œuvre et de peupler les colonies.
C’est pourquoi les peines de travaux forcés étaient « doublées » : une fois que le condamné avait purgé la durée de sa peine, il devait rester sur le territoire de la colonie pendant encore la même durée.
Pour les peines de plus de 8 ans, le condamné devait même rester dans la colonie pour le reste de sa vie.
Le dernier convoi de condamnés au bagne est parti pour la Guyane en novembre 1938, et en 1946, le bagne a finalement été aboli.
Toutefois, comme les derniers prisonniers devaient finir de purger leur peine, les bagnes sont restés en activité jusqu’en 1953.
Transportés, Déportés, Relégués
Dans les bagnes coloniaux, on retrouvait 3 types de condamnés.
Les transportés
Tout d’abord, il y avait les condamnés de droit commun, qu’on envoyait au bagne pour des délits ou des crimes. On les appelait les transportés.
Remarque : Avant d’être envoyé au bagne, un bagnard était généralement détenu dans un établissement pénitentiaire. Vous pouvez donc également le rechercher dans les registres d’écrous des prisons.
Les déportés
Dans les bagnes, on retrouvait également les condamnés politiques, c’est-à-dire ceux dont les actions avaient porté atteinte à l’ordre public et à la sûreté de l’Etat. On les appelait les déportés.
Par exemple, c’est le cas des participants à la Commune de Paris de 1871.
Les relégués
A partir de 1885, on envoyait également dans les bagnes coloniaux les individus condamnés à une peine de relégation. On les appelait les relégués.
La relégation était la condamnation à perpétuité au bagne colonial.
Son but était d’éloigner de France les délinquants et les criminels récidivistes qui étaient jugés incorrigibles.
En effet, à l’époque, on estimait qu’il y avait des individus « vis-à-vis desquels il fallait prendre des mesures spéciales et pour lesquels les peines ordinaires ne suffisaient pas ».
Pour cela, la relégation s’appliquait de façon automatique à ceux qui avaient accumulé un certain nombre de condamnation, dans un même intervalle de 10 ans.
Il pouvait s’agit de crimes graves, auquel cas le condamné était relégué à perpétuité au bagne dès la 1ère récidive.
Cependant, il pouvait aussi s’agir de délits mineurs, qui n’entraînaient la relégation qu’au bout de 7 condamnations.
Dans la pratique, on estime que 80% des relégués étaient des récidivistes surtout coupables de vol, de vagabondage ou de mendicité.
Au sein des bagnes, les relégués n’étaient généralement pas placés dans les mêmes camps que les transportés ou les déportés.
En raison des conditions de travail difficiles et des maladies, leur mortalité était d’ailleurs particulièrement élevée. Entre 1887 et 1917, l’espérance de vie moyenne au bagne d’un relégué n’était que de 6 ans.
Les archives des bagnards
Pour retrouver un ancien bagnard, il y a 2 archives à consulter : les registres matricules des détenus et les dossiers individuels des bagnards.
Les registres matricules
Que contient un registre matricule de bagnard
Les principales archives des bagnes sont les registres matricules de détenus, également appelés « registres de chiourmes »
Remarque : le mot chiourme vient du vocabulaire des galères et il désignait initialement une équipe de galériens.
Comme les registres d’écrou des détenus des prisons, les registres matricules des bagnes servaient à enregistrer les détenus à leur arrivée dans le bagne.
Par exemple, voici le registre matricule d’un condamné arrivé au bagne de Brest en 1834 :
On y retrouve de nombreuses informations au sujet des détenus :
- leur date d’arrivée au bagne
- leur état civil, avec date et lieu de naissance et identité des parents et du conjoint
- leur domicile et leur profession avant leur condamnation
- leur description physique (taille, couleur des yeux et cheveux, description du visage)
- leurs signes particuliers (cicatrices, tatouages, etc.)
- les informations sur la condamnation les ayant menés au bagne (date et lieu du jugement, motif du jugement)
- leurs éventuelles condamnations antérieures
- le type de peine et la durée prévue
- leurs éventuelles condamnations ou punitions pendant leur séjour au bagne
- la date de leur éventuel transfert vers un autre bagne
- et enfin, la date de leur libération, ou celle de leur décès (ou encore, celle de leur évasion)
Où sont conservés les registres matricules ?
Les registres matricules des bagnes portuaires sont conservés par le Service Historique de la Défense (qu’on abrège SHD dans la suite de cet article) :
- Bagnes de Brest, Cherbourg et Anvers : au SHD de Brest, en série O,
- Bagne de Toulon : au SHD de Toulon, en série O,
- Bagne de Rochefort : au SHD de Rochefort,
- Bagnes de la période sarde (Nice et Villefranche) : au SHD de Toulon, en série 6R
- Bagnes de la période napoléonienne (Nice, Gênes, La Spezia, et Civitavecchia) : au SHD de Vincennes, en série DD5.
Remarques :
- Les archives des bagnes des périodes sarde et napoléonienne sont incomplètes.
- Les archives du bagne de Lorient ont malheureusement disparu pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Les registres matricules des bagnes coloniaux (Guyane et Nouvelle-Calédonie) sont conservés aux Archives Nationales d’Outre-Mer, qui sont situées à Aix-en-Provence.
Par ailleurs, les registres matricules de certains bagnes ont été numérisés et sont accessibles en ligne (voir partie 3 de cet article : Retrouver un bagnard dans les archives et les bases de données en ligne).
Les dossiers individuels des bagnards
Que contient un dossier individuel
Pour les détenus des bagnes coloniaux, il existe également des dossiers individuels, dans lesquels on peut retrouver :
- des extraits de jugements,
- des procès-verbaux d’infractions ou d’évasion,
- des mentions de punition,
- des mentions d’actes de probité,
- des correspondances,
- etc.
Dans la pratique, un condamné au bagne colonial disposait de 2 dossiers à son nom :
- le premier était conservé par le bureau central des bagnes coloniaux, à Paris,
- le second était établi par l’administration pénitentiaire locale du bagne du condamné, donc en Guyane ou en Nouvelle Calédonie.
Cependant, les dossiers des administrations pénitentiaires locales n’ont pas été systématiquement conservés, sauf pour les condamnés envoyés en Guyane après 1882.
Dans bien des cas, on ne pourra donc retrouver qu’un seul dossier individuel.
Où sont conservés les dossiers individuels ?
Les dossiers individuels de bagnards sont conservés dans la série H des Archives Nationales d’Outre-Mer consacrée à l’administration pénitentiaire coloniale.
Malheureusement, ces dossiers individuels ne sont pas numérisés, et les demandes de reproduction à distance ne sont pas acceptées.
Pour les consulter, il est donc nécessaire de se rendre sur place, aux Archives Nationales d’Outre-Mer (situées à Aix-en-Provence).
Les délais de communicabilité de ces dossiers sont de 75 ans après la dernière condamnation mentionnée dans le dossier (ou de 100 ans, si cette condamnation concerne des personnes mineures).
Retrouver un bagnard dans les archives et les bases de données en ligne
Les Archives Nationales d’Outre-Mer
Les Archives Nationales d’Outre-Mer mettent à disposition la base des condamnés aux bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie.
Cette base regroupe des informations sur 133 959 bagnards condamnés entre 1852 et 1953.
Elle permet de retrouver :
- le registre matricule d’un ancêtre bagnard,
- la cote de son dossier individuel.
Pour consulter le dossier, il faut ensuite se rendre sur place, aux Archives Nationales d’Outre-Mer, à Aix-en-Provence.
Le site Mémoire des Hommes
Les registres matricules du bagne de Brest ont été numérisés sur le site Mémoire des Hommes.
Ces registres concernent près de 60 000 condamnés au bagne entre 1749 et 1858.
Cependant, ces registres ne sont pas indexés, et il n’existe pas de tables alphabétiques. Pour retrouver un bagnard, il faut donc connaître sa date d’arrivée au bagne de Brest.
La base de données HORSEC
Le Cercle Généalogique du Finistère a réalisé une base de données des condamnés au bagne de Brest (base HORSEC). Elle permet de retrouver plus de 37 000 bagnards qui ont été emprisonnés à Brest entre 1749 et 1858.
Pour la consulter, il faut d’abord adhérer au Cercle Généalogique du Finistère.
Les bagnards du Nord-Ouest
La base des bagnards du Nord-Ouest permet de retrouver 11 153 bagnards originaires du Nord-Ouest de la France.
Les départements concernés sont les suivants : le Calvados, la Charente-Maritime, les Côtes-d’Armor, les Deux-Sèvres, le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire, la Manche, la Mayenne, le Morbihan, l’Orne, la Sarthe et la Vendée.
Les bagnards du Hainaut
La base des bagnards du Hainaut à Brest permet de retrouver un des 628 bagnards originaires du Hainaut ayant séjourné à Brest entre 1749 et 1800
Cette base a été constituée à partir des registres de matricule du bagne de Brest.
Les bagnards de Guyane
Le site Guyanologie met à disposition une base permettant de retrouver un ancêtre ayant séjourné en Guyane.
Cette base de données ne concerne donc pas seulement les bagnards. Par exemple, on peut également y retrouver des personnels de l’administration pénitentiaire.
Les base des condamnés de 1650 à 1857
Pour retrouver un ancien bagnard, on peut également utiliser la base des condamnés de 1650 à 1857, mise à disposition par FamilySearch.
Cette base ne concerne pas seulement les bagnards. En effet, celle-ci a été constituée en indexant des registres d’écrous de différentes origines : on peut donc aussi y retrouver des condamnés n’ayant pas été envoyés au bagne.
La base Orgon des bagnards de Nouvelle-Calédonie
Enfin, la base de données Orgon permet de retrouver un ancêtre parmi 29744 fiches de bagnards (ainsi que 1695 surveillants militaires) de Nouvelle-Calédonie.
Cette base a été inaugurée le 8 mai 2024 par le Musée du Bagne de Nouville (en Nouvelle-Calédonie).
Elle concerne l’intégralité des femmes et des hommes condamnés au bagne néocalédonien, ainsi que la quasi-totalité des surveillants militaires.
Toutefois, à ce jour, elle n’est pas encore accessible en ligne : il faut donc encore se déplacer sur place pour la consulter.
Voilà qui conclut ce dossier sur comment retrouver un ancien bagnard. J’espère que cela vous aidera dans vos recherches.
Elise
Laisser un commentaire